Spectacle impressionnant, le savika reste un pilier culturel dans certaines parties des régions Haute-Matsiatra et Amoron’i Mania.
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Une séquence de Savika à l’arène d’Ambositra, ex-Somacodis. |
Le « savika », littéralement « étreinte » en langue betsileo, est bien plus qu’un simple affrontement. Hérité d’une longue tradition, il oppose à mains nues un homme à un zébu, animal sacré et symbole de richesse dans la société malgache. L’arène la plus prisée est celle d’Ambositra, ex-Somacodis. Il en existe également à Andranomadio (Tsiroanomandidy), à Imady…
Contrairement aux corridas ibériques, l’objectif n’est pas de mettre l’animal à mort, mais de le dompter par la force, l’agilité et la ruse, dans une arène improvisée où la foule exulte au moindre geste spectaculaire.
Né dans les Hautes Terres du Betsileo, le « savika » trouve son origine dans les interactions quotidiennes entre les riziculteurs betsileo et leurs précieux zébus. Le « savika » ou « tolon’omby» s’est imposé comme un rite festif et communautaire. Il constitue une pratique courante à chaque événement comme le mariage, la circoncision, les prémices des récoltes, le retournement des morts…
Tout se joue dans l’arène, un enclos aménagé pour devenir le théâtre d’une mise en scène codifiée : le zébu le plus viril et féroce est placé au centre, tandis que des jeunes gens, réputés pour leur courage, se jettent à sa rencontre. Le but n’est pas de terrasser l’animal, mais de s’accrocher à ses cornes, à son encolure ou à son dos le plus longtemps possible. Les plus audacieux tentent même de le plaquer au sol, prouesse rare qui assoit une réputation. Le public, massé autour de la piste, encourage, crie et applaudit, transformant l’épreuve en un véritable spectacle populaire.
Adrénaline et respect
Aujourd’hui encore, à Ambositra, Imady, Fianarantsoa ou dans de nombreux villages à forte population betsileo comme Tsiroanomandidy, le « savika » conserve une forte valeur identitaire. Il symbolise à la fois l’héritage ancestral et la vitalité de la jeunesse, capable de relever le défi de l’animal-roi.
Comme toutes les disciplines sportives, le « savika» suit une saison d’activité. Celle-ci s’ouvre le 15 mars et se termine au mois d’octobre. Tafika Tovonahary Randriamanantena, administrateur de la page Facebook « Kolo Savika », apporte des précisions : « Il existe trois types de savika : le savika kermesse, organisé dans le but de récolter des fonds pour les églises, écoles ou associations ; le savika famadihana (exhumation ou retournement des morts) ; et le savika fora zazalahy (circoncision). Pour chacun de ces types, un droit d’entrée est versé aux organisateurs, dont le montant varie. Les ‘mpisavika’ (pratiquants du savika) ne sont pas rémunérés, sauf dans certains cas, selon les organisateurs. Il en va de même pour les propriétaires de zébus. »
Les défenseurs du patrimoine considèrent le « savika» comme un sport traditionnel à préserver, tandis que certains militants de la cause animale dénoncent le stress infligé aux zébus. Entre passion, danger et identité, le « savika » demeure un rendez-vous où l’adrénaline se mêle au respect des ancêtres, garantissant à cette pratique spectaculaire une place unique dans la culture malgache.
Donné Raherinjatovo