L’intelligence artificielle s’impose dans tous les secteurs, y compris la musique. À Madagascar, les professionnels s’interrogent entre fascination et peur de perdre l’authenticité.
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« L’IA ne peut exprimer l’âme d’une musique », affirme Anjatiana Andrianoroarivo, auteur-compositeur. |
Actuellement, nous vivons une époque où la technologie redessine les contours de la création artistique. L’intelligence artificielle, capable aujourd’hui de générer une mélodie, d’écrire des paroles ou même de reproduire des voix, interpelle profondément le monde musical. La question n’est plus de savoir si elle a sa place, mais jusqu’à quel point elle influence ou remplace la main et l’âme de l’artiste. Pour Nofar Tafara, producteur et manager d’artistes, la réponse est sans détour : l’IA menace la créativité humaine. « Je pense qu’avec l’IA, beaucoup de talents, surtout les auteurs-compositeurs, risquent de perdre leur place. L’intelligence artificielle est déjà capable d’écrire des chansons. Des artistes vont surgir sans qu’on sache d’où ils viennent ni quelle est leur légitimité artistique. C’est une évolution, oui, mais pas une opportunité pour ceux qui maîtrisent réellement la musique », affirme-t-il.
Ce point de vue, bien que partagé par d’autres, n’est pas totalement fermé à la nuance. Anjatiana Andrianoroarivo, auteur-compositeur, arrangeur et musicien du groupe Quatuor & Squad, propose une analyse plus nuancée.
IA comme outil
« L’IA évolue très vite. Elle est déjà capable de générer des chansons exploitables, même si le rendu est encore bancal musicalement. Beaucoup d’artistes l’utilisent à 100 %, mais produisent alors des œuvres sans âme, en privilégiant la quantité à la qualité. » Cependant, pour cet artiste passionné, l’IA n’est pas un ennemi, mais un outil, à condition de bien l’utiliser. « Il ne faut pas diaboliser la technologie. Il faut évoluer avec son temps. L’IA doit rester un outil d’aide à la création. L’homme crée, l’outil aide. La musique, c’est d’abord de l’émotion. Et ça, aucune machine ne pourra jamais l’exprimer à notre place. Pour ma part, je n’utilise pas l’IA pour composer, mais elle peut m’aider pour d’autres aspects, comme la création visuelle. »
Quant au groupe Ceasar, bien qu’étant composé de jeunes artistes pleinement connectés au numérique, il choisit de rester fidèle à une création artistique et humaine. « Jusqu’à maintenant, nous n’utilisons pas d’IA dans notre processus. Toutes nos chansons sont composées par nous-mêmes et enregistrées avec nos instruments en studio », assure à nouveau Nofar. Exactement, l’intelligence artificielle est là, elle ne disparaîtra pas. Mais face à elle, des artistes engagés choisissent encore l’émotion, l’authenticité et la maîtrise. La technologie n’écrit pas l’âme d’une chanson.
Nicole Rafalimananjara