Ce fut un jour que le système calendaire actuel situe au 21 juillet de l’an 356 avant notre ère. Le futur Alexandre le Grand émit ses premiers gémissements. Dans la nuit de cette date qui a laissé des traces indélébiles sur le cours de l’histoire, le temple d’Artémis à Éphèse, une des sept merveilles du monde antique, est ravagé par les flammes. L’identité du coupable ne sombrera pas dans l’inconnu et restera dans la mémoire des hommes : Érostrate. Et on n’oubliera pas également que son acte avait une fin bien définie : devenir une célébrité. On peut dire qu’il a réussi son coup.
Dans sa nouvelle intitulée Érostrate, un des récits qui composent le recueil Le Mur (1939), Jean-Paul Sartre a écrit : « — Je le connais votre type, me dit-il. Il s’appelle Érostrate. Il voulait devenir illustre et il n’a rien trouvé de mieux que de brûler le temple d’Éphèse, une des Sept Merveilles du monde. — Et comment s’appelait l’architecte de ce temple? — Je ne me rappelle plus, confessa-t-il, je crois même qu’on ne sait pas son nom. — Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d’Érostrate ? Vous voyez qu’il n’avait pas fait un si mauvais calcul. » Ainsi, ce désir d’avoir un nom que les millénaires n’effaceront pas eut pour principal adjuvant le potentiel destructeur du feu.
Hannah Arendt a compris la force des mots quand ils occupent des pages qui relatent des actes héroïques. Ils ont alors cette puissance qui donne au nom du héros une force intemporelle que le passage des siècles ne peut effacer. Mais les actes criminels, et leur nature scandaleuse, qui marquent les esprits peuvent aussi parasiter ces écrits pour les pervertir et les remplir de noms portés par des individus qui sont fameux pour leurs actions dévastatrices. Érostrate est un cas parmi beaucoup d’autres. Et jusqu’à nos jours, acquérir la célébrité passe très souvent par des pratiques entachées par le vice.
« La gloire s’acquiert en accomplissant ce qui mérite d’être écrit et en écrivant ce qui mérite d’être lu », écrivait Pline l’Ancien. Le livre où l’on peut lire l’histoire du monde a besoin de protagonistes, de héros qui sont vraiment dignes d’occuper ses lignes. Cet ouvrage, hanté et obscurci par des figures destructrices comme Érostrate, recherche des héros dont les œuvres et accomplissements peuvent contenir les germes d’une lumière apte à atténuer ces ténèbres et ainsi apporter de nouvelles aubes, de jours nouveaux marqués par le réveil de l’espoir.
Fenitra Ratefiarivony