MAMITIANA RAJAONARISON - « Madagascar sort du radar des pays à risque de blanchiment de capitaux »

Reconduit à la tête du Service de renseignements financiers (Samifin) pour un second mandat, son directeur général, Mamitiana Rajaonarison, dresse un bilan des actions entreprises entre 2019 et 2024. Il revient sur les avancées majeures accomplies et les défis encore à relever.

Mamitiana Rajaonarison indique n’avoir subi aucune pression dans l’exercice de ses fonctions.

Quel bilan tirez-vous de votre premier mandat à la tête du Samifin ?

À mon arrivée en 2019, Madagascar accusait un important retard en matière de conformité aux recommandations du Groupe d’action financière (GAFI). À l’époque, le pays ne satisfaisait que treize des quarante recommandations. Bien que nous disposions déjà d’un texte juridique encadrant la lutte contre le blanchiment de capitaux, il était encore largement perfectible. Les structures de coordination anti-blanchiment étaient également incomplètes.

Quelles ont été vos premières priorités pour corriger ces lacunes ?

Nous avons d’abord élaboré un plan quinquennal pour coordonner les actions de lutte contre le blanchiment de capitaux et renforcer l’efficacité du dispositif. Ce plan visait notamment à améliorer notre positionnement vis-à-vis des recommandations du GAFI, à renforcer les capacités humaines et à établir une véritable stratégie nationale.

Depuis, nous avons actualisé la loi anti-blanchiment, structuré les entités de supervision par secteur professionnel et mis en place une stratégie nationale contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En avril dernier, Madagascar avait satisfait vingt-neuf recommandations sur quarante. Le pays n’est plus sous surveillance renforcée et se rapproche désormais du niveau de conformité de pays développés comme les États-Unis.

Comment se traduit cette amélioration sur le terrain ?

Sur les quatre dernières années, plus de 6 000 milliards d’ariary de flux financiers illicites ont été détectés. Environ 35 % de ces flux sont liés au commerce international et à la fraude fiscale. Ces résultats montrent des progrès, mais la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le non-rapatriement des devises liées aux exportations restent des problèmes majeurs.

Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?

Nous préparons actuellement la feuille de route pour l’évaluation du GAFI en 2026, qui sera prochainement soumise au gouvernement. Nous sommes confiants quant aux résultats attendus, compte tenu des efforts déjà accomplis.

Notre stratégie intègre désormais le renforcement de la lutte contre le blanchiment au même titre que celle contre la corruption. Nous avons déjà observé des condamnations judiciaires pour blanchiment de capitaux, ce qui est un indicateur d’efficacité.

Nous allons également déployer une nouvelle stratégie nationale anti-blanchiment, plus structurée et adaptée aux menaces émergentes.

Le trafic de drogue est-il une priorité pour le Samifin ?

Absolument. Le trafic de drogue est une forme de criminalité organisée. Nous menons des investigations financières parallèles pour identifier les circuits de financement. Cela permet de remonter jusqu’aux auteurs des crimes.

Nous avons également mis en place un centre de formation pour les officiers de police judiciaire afin de renforcer leurs compétences en matière d’investigation financière.

Le Samifin subit-il des pressions politiques ou institutionnelles dans le cadre de ses investigations ?

Le Samifin est une entité indépendante. Je n’ai subi aucune pression depuis ma prise de fonction. Mon mandat de quatre ans est inamovible, ce qui garantit mon indépendance. En tant que service de renseignement, nous ne procédons ni à des enquêtes pénales, ni à des arrestations, ce qui limite les interférences extérieures.

Certains organes anti-corruption sont parfois accusés d’être instrumentalisés politiquement. Quelle est votre position ?

Il y a une tendance à politiser les actions des institutions, en fonction des positions de chacun vis-à-vis du pouvoir. Mais les structures de lutte contre la corruption sont les mêmes que celles qui existaient lorsque ceux qui lancent ces accusations étaient eux-mêmes au pouvoir.

Pourquoi la lutte contre le financement du terrorisme concerne-t-elle Madagascar ?

Parce qu’elle fait partie des 40 recommandations du GAFI. Même si Madagascar n’a pas connu d’actes terroristes, sa proximité géographique avec des zones à risque (Somalie, Mozambique, Malawi) en fait une zone potentiellement vulnérable. Nous ne devons pas devenir une base arrière ou un point de transit pour les groupes terroristes. D’où notre vigilance accrue.

Quelles sont les cibles prioritaires dans cette lutte ?

Les ONG et associations caritatives sont étroitement surveillées, car elles peuvent, parfois à leur insu, être utilisées comme vecteurs de financement du terrorisme.

Tsilaviny Randriamanga

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