DÉVELOPPEMENT - L’artisanat malgache face aux contraintes du secteur

Madagascar célèbre la Journée internationale de l’Artisanat en mettant en avant les défis de ses artisans. La production en masse limite leur capacité à satisfaire la demande tout en gardant la qualité.

Ouverture de la journée de l’Artisanat à Ivato.

À l’occasion de la Journée internationale de l’artisanat, célébrée le 10 juin au Mining Business Center à Ivato, les autorités ont mis en lumière les atouts d’un secteur en plein essor, mais freiné par des contraintes structurelles. Si la demande, locale comme internationale, est bien présente, la capacité du secteur à y répondre demeure inégale.

Organisé par le ministère du Tourisme et de l’Artisanat, l’événement a mis en avant la progression continue des exportations artisanales malgaches, passées de 17 millions d’euros en 2019 à 39 millions en 2024, soit un taux de croissance annuel moyen de 18 %. Cette dynamique traduit l’intérêt croissant pour les produits artisanaux du pays. Mais cette reconnaissance s’accompagne de défis majeurs.

À Maneva, des ateliers spécialisés dans les objets décoratifs et accessoires en fibres naturelles – rotin, zozoro, sisal – témoignent de ces limites. « Le strict contrôle de la qualité et de la finition est notre force, mais aussi notre défi », explique une responsable. « Le temps nécessaire à la fabrication artisanale est long, ce qui limite la quantité que nous pouvons produire. » Certaines tâches sont mécanisées, comme la fixation des poignées, mais « l’essence même de l’artisanat reste le travail manuel », rappelle-t-elle.

Pays d’échantillon

Cette tension entre qualité et volumes produits affecte la régularité des livraisons, ce qui peut dissuader certains acheteurs. « Les artisans mettent parfois plusieurs mois à finaliser une commande», admet la ministre de tutelle, tout en soulignant que Madagascar reste encore perçue comme un « pays d’échantillon » plutôt qu’un fournisseur à grande échelle.

Au-delà de la production, les difficultés d’accès au marché constituent un autre frein. Dans la région de Fitovinany, le gouverneur, Dr Lucien Laurel Razafitsotra, évoque l’absence de débouchés structurés : « Beaucoup de femmes talentueuses vivent dans la région. Il serait intéressant que toutes les régions collaborent pour mieux valoriser ces talents. »

Face à ces constats, plusieurs mesures ont été annoncées. Le ministère a lancé la première distribution officielle de cartes professionnelles : trente ont été délivrées sur les sept cents demandes enregistrées. Un partenariat a également été signé avec la coopérative Akama, qui s’engage à proposer des formations pour renforcer les compétences techniques et commerciales des artisans.

Pour élargir leurs débouchés, les artisans investissent désormais dans la vente en ligne et les systèmes de livraison à domicile. Ces initiatives visent à pallier la rareté et l’inaccessibilité des points de vente physiques, particulièrement en zones rurales.

La Journée de l’artisanat aura ainsi rappelé un paradoxe : si le savoir-faire malgache séduit, sa structuration reste encore inaboutie. L’enjeu pour le secteur sera de trouver un équilibre durable entre qualité artisanale, capacité de production et accès élargi aux marchés. 

Irina Tsimijaly

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