J’ai vu cette série de photos que, dans une chorégraphie parfaitement orchestrée, des posts convergents partagèrent sur Facebook. Au-delà de la polémique sur la responsabilité des uns ou des autres dans le délabrement, et pas que des façades, d’Antananarivo, une chose est omniprésente sur ces photos : l’absence de tout humain, hommes, femmes, enfants.
L’humain étant pour ainsi dire consubstantiel d’une Cité, il n’est certainement pas question de le faire disparaître, ni par Photoshop ni derrière des paravents Potemkine. Mais, trop d’humains tue une agglomération humaine surtout quand celle-ci se destinait à l’accueil d’un «Arivo», mille âmes, chiffre symbolique grossi d’infinis, et dangereux, multiples.
Ses désormais trois millions d’habitants et ses 44% du PIB de Madagascar font d’Antananarivo, ville-Capitale, la 24e Région ou la 7ème Province de Madagascar. Pourtant, prisonnière de textes archaïques en totale incohérence avec la nécessité vitale de la décentralisation, la Cité-des-Mille-Charges ploie sous le poids d’un triple exode : rural, régional et national. Les infrastructures (alimentation en eau, raccordement à l’électricité, volume des ordures, ratio habitants/habitat, densité humaine au km2, kilométrage de voirie, pression sur le bassin versant entre Imamba, Ikopa et Sisaony) sont à un tel niveau de saturation qu’aménagement du territoire et urbanisme se retrouvent déjà obsolètes au moment de leur mise en oeuvre. À terme, mais on le vit au quotidien, c’est l’identité même de cet îlot granitique au milieu d’une mer de rizières, qui s’en trouve dénaturée.
Pour paraphraser le livre «Paris et le désert français», de Jean-François Gravier (Flammarion, 1947), Antananarivo-Renivohitra étouffe d’être «tout» et d’abriter «trop», quand «le désert malgache» se meurt d’avoir moins que rien.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja