Le collectif des syndicats des employés de la Jirama annonce une grève générale à partir de ce jour. En réponse, le gouvernement affirme être ouvert au dialogue, tout en rappelant la nécessité de respecter les dispositions légales.
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Des leaders syndicaux lors de l’annonce de la grève des employés de la Jirama, hier. |
Le bras de fer est engagé. Dans une déclaration faite hier, à Mandroseza, le collectif des syndicats du personnel de la Jirama a annoncé “une grève générale”, qui démarre ce jour. Le motif invoqué est la contestation du nouveau statut de la société nationale d’eau et d’électricité.
Tout en soulignant que “la grève est générale”, Anmora Ratovomanarivo, porte-parole du collectif syndical, affirme qu’il ne s’agit pas d’un mouvement isolé. Il soutient également qu’une pétition en faveur de la grève “est signée par les trois mille employés de la Jirama”. Selon la déclaration faite hier, les employés de la société d’eau et d’électricité dénoncent le fait que les changements à venir menaceraient la mission de service public de la Jirama. Le fait que l’entreprise soit appelée à devenir une “société anonyme” est martelé.
“Le nouveau statut introduit une logique de profit, alors que la Jirama devait produire, transporter et distribuer l’eau et l’électricité sans but lucratif”, soutient le collectif syndical. Réagissant à ce sujet dans un entretien diffusé à la télévision nationale, hier, Olivier Jean Baptiste, ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, regrette que la réaction des syndicats au sein de la Jirama découle “d’une incompréhension” du plan de redressement de la Jirama, dont fait partie le statut de l’entreprise.
“Une rencontre est prévue aujourd’hui \[hier] à 16 heures 30 avec ceux qui prévoient de faire grève. Malheureusement, ils ne sont pas venus, malgré une invitation officielle. Les portes du ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures sont toujours ouvertes. Le ministère est disposé à apporter toutes les explications nécessaires pour dissiper les doutes et les incompréhensions”, déclare le ministre Olivier Jean Baptiste.
La question de “privatisation de la Jirama” et une possible “compression du personnel” sont les principaux points visés par les contestations. “Le nouveau statut de la Jirama ne parle ni de privatisation, ni de compression de personnel. Il y est question d’améliorations menant vers le redressement de la Jirama”, assure le ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, tout en soulignant le caractère “essentiel et stratégique” de l’approvisionnement en eau et électricité.
Procédure
“Le ministère est toujours ouvert au dialogue. Ce n’est pas juste de prendre en otage la population alors que la divergence peut très bien être résolue par le dialogue, pour expliquer ce que contient réellement le plan de redressement et le statut de la Jirama”, renchérit Olivier Jean Baptiste.
À son article 33, la loi fondamentale prévoit que “le droit de grève est reconnu sans qu’il puisse être porté préjudice à la continuité du service public ni aux intérêts fondamentaux de la Nation”. Selon un juriste, effectuant un service public, et de caractère “essentiel et stratégique”, les employés de la Jirama ne peuvent pas faire “une grève générale”. Volamiranty Donna Mara, ministre de la Communication et de la Culture, appelle ainsi les syndicats de l’entreprise d’eau et d’électricité à respecter les dispositions légales dans leur démarche.
Le caractère “illicite” de la grève annoncée par le collectif des syndicats de la Jirama est soulevé par le ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, au motif de non-respect des procédures. “Certes, faire grève est un droit, mais s’agissant de services essentiels, l’approvisionnement en eau et électricité doit continuer. Par ailleurs, il y a une procédure qui requiert de déposer un préavis de grève. Nous n’en avons pas reçu, pareillement pour le ministère de l’Emploi. Aussi, la décision de faire grève dans l’immédiat est illégale puisqu’il devrait y avoir un délai de préavis”, argue-t-il.
Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Fonction publique confirme ne pas avoir reçu de préavis de grève de la part du personnel de la Jirama. Du reste, la ministre de la Communication fait part de ses “doutes” sur les réelles motivations des initiateurs de la grève à la Jirama. “Il semble que certains veuillent défendre leurs intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. Ne prenez pas en otage la population”, soutient-elle.
Des sources avisées confient que certains auraient intérêt à ce qu’il y ait une instabilité au sein de la Jirama afin d’éviter d’éventuelles poursuites judiciaires résultant de l’enquête sur les détournements massifs de carburant, destiné à alimenter les groupes thermiques de la société. Lors d’une interview télévisée diffusée à la veille de la fête nationale, le président de la République a en effet dénoncé l’existence d’un réseau mafieux opérant au sein même de la Jirama.
L’opinion publique pointe aussi du doigt la démarche des syndicats au sein de la société d’eau et d’électricité. Aucun ne s’est dressé contre les malversations et gabegies qui ont mené l’entreprise à la ruine. Des faits confirmés par des décisions judiciaires condamnant d’anciens responsables et des membres du personnel, ainsi que leurs complices. À cela s’ajoute la mauvaise attitude du personnel. “Ce n’est seulement que lorsqu’il est question de leurs intérêts personnels en jeu qu’ils se souviennent que leur travail relève d’une mission de service public”, s’offusquent des citoyens sur les réseaux sociaux.
Garry Fabrice Ranaivoson