Il était temps. La saison pluvieuse, après s’être fait longtemps désirer, a enfin daigné se manifester dans toute sa puissance foudroyante et son cortège de grêle. Toute cette force est aujourd’hui comme exécutante des actions punitives qui mettent plusieurs quartiers sensibles d’Antananarivo et des environs à la merci des eaux. “Nous voulions un peu d’eau, vous nous lâchez la bonde ; l’excès d’un très grand bien devient un mal très grand,” écrivait le dramaturge Jean-Pierre Claris de Florian dont les vers se confirment sous nos yeux.
Quand le climat se règle en mode été, inséparable de son élément liquide, il dérègle la vie dans des localités annuellement affectées par les inondations et ses conséquences. La montée irrépressible des eaux exerce alors son pouvoir tétanisant qui paralyse tous les secteurs : l’impraticabilité des routes immobilise les automobilistes qui subissent une intensification de la force des embouteillages, le commun des mortels est aussi figé par la raréfaction des transports en commun.
Quand le regard se tourne vers le passé, cet éternel recommencement rempli par nos accomplissements, l’histoire retiendra que les actions et les décisions de l’irréflexion ont exacerbé le caractère ambigu de la pluie, à la fois généreuse en bénédictions tout en étant un des principaux agents exécuteurs des supplices des fins d’année. Les remblais, les constructions où l’inconscience s’est exprimée, ont contribué à l’imperméabilité décuplée par le dépeuplement végétal qui a réduit la capacité d’absorption du sol.
Ces crues redoutées sont aussi, avant tout, ce qui est en aval de l’indiscipline et l’incivisme qui se trouvent en amont. Les déchets mal guidés par les mains insouciantes finissent aux mauvais endroits, obstruant les systèmes de drainage. Tant de “petits” gestes irresponsables aux retombées monumentales dont le poids imposant nous écrase quand la nature nous fait don de la pluie. Le bannissement de la responsabilité, qui peine à se faire une place dans les mentalités, nous fait traverser encore plus durement la période pluvieuse.
“Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre.” Ainsi est formulé par le philosophe Hans Jonas le “principe responsabilité” dans le livre homonyme écrit en 1978. Un appel à avoir la conscience de l’importance d’une responsabilité éthique en faveur des générations futures. Et jusqu’à preuve du contraire, malmener les infrastructures, massacrer l’environnement, les comportements inciviques... condamnent les protagonistes de l’avenir à endurer des inondations plus éprouvantes que celles de notre temps.
Fenitra Ratefiarivony