Revue annuelle du Projet Papriz ce 12 août à Antananarivo. |
Pour réaliser ses nouvelles ambitions en matière de sécurité alimentaire mais aussi pour augmenter ses recettes d’exportation, Madagascar fixe des objectifs plus ambitieux, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, pour sa filière rizicole.
La consommation annuelle de riz par habitant est estimée à 138 kg en milieu rural et 113 kg en milieu urbain. Demeurant l’aliment de base de la population, le riz maintient sa place de principale culture vivrière dans la Grande Île. 90 % des activités agricoles sont basées sur la riziculture, qui est pratiquée par environ deux millions de ménages. La filière riz constitue la première activité économique en milieu rural et l’autosuffisance en riz constitue l’un des plus grands défis du gouvernement.
Pour le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MINAE), pour être autosuffisant en riz et exporter plus tard, il faudrait avant tout accroître significativement la production aussi bien en quantité qu’en qualité. Les perspectives d’augmentation de la production rizicole nécessitent entre autres la production et la valorisation des variétés améliorées, à plus haut rendement. Les variétés améliorées sont plus performantes et résilientes au changement climatique que celles traditionnellement cultivées par les paysans. Leur productivité est rehaussée par l’utilisation de semences de bonne qualité, certifiées.
Selon les derniers chiffres officiels, la production nationale de riz en 2023 a atteint un peu plus de 5 millions de tonnes de paddy, marquant ainsi une légère augmentation par rapport à la production enregistrée en 2022. L’objectif fixé pour l’année 2024 est de 6 millions de tonnes, et les indicateurs issus du dernier suivi et évaluation de la Stratégie Nationale de Développement Rizicole (SNDR) sont prometteurs pour l’atteinte de ce volume de production. À noter que si les 6 millions de tonnes sont effectivement atteints, Madagascar pourrait intégrer le club des pays ayant atteint l’autosuffisance alimentaire. Et si le cap des 8 millions de tonnes est franchi en 2027, le pays pourrait devenir un exportateur net de riz. Mais les autorités estiment que le pays peut mieux faire. Le but annoncé est de parvenir à 11 millions de tonnes à l’horizon 2030 pour que Madagascar puisse retrouver le titre de meilleur producteur de riz en Afrique subsaharienne.
« Pour respecter ces différents agendas, les défis à relever sont nombreux et divers », note le MINAE. Parmi ceux-ci, l’augmentation des superficies cultivées. En 2018, cette superficie était de 1,2 million d’hectares. Elle a atteint près de 2 millions d’hectares en 2022, mais a légèrement diminué à un peu moins de 1,9 million d’hectares en 2023 en raison des dégâts causés par les cyclones survenus cette année. Selon les dernières estimations, les efforts déployés pour augmenter les surfaces cultivées sont significatifs et les résultats sont encourageants.
Le deuxième défi est l’augmentation des rendements. En 2023, le rendement moyen par hectare a été de 2,7 tonnes/ha, contre 2,6 tonnes/ha en 2019. Les difficultés concernant ce rendement reposent sur l’accès aux semences améliorées et certifiées, ainsi que sur la capacité à augmenter significativement le nombre de semenciers à Madagascar. À cela s’ajoute la nécessité de faciliter l’accès au financement pour les producteurs rizicoles. Selon le rapport de suivi et évaluation de la filière, l’autosuffisance en riz est passée de 78,8 % en 2022 à 87,3 % en 2023, ce qui rapproche le pays des 100 %.
Coopération renforcée
Pour accélérer le développement de la filière rizicole, les responsables s’activent dans le domaine de la coopération sectorielle. C’est ainsi qu’une délégation du CARD ou « Coalition for African Rice Development » a effectué récemment une mission à Madagascar. Elle a été conduite par le coordonnateur technique, Kota Miyazaki, et le coordonnateur régional, Andry Randriantsoa. Deux principaux sujets ont été au menu : la préparation de la revue annuelle du secteur rizicole, qui permettra d’évaluer les points faibles, les améliorations qui devraient y être apportées, et la préparation du 10e Sommet CARD qui se tiendra l’année prochaine à Madagascar et qui verra la participation d’une quarantaine de pays.
On sait en outre que le 12 juillet dernier, la Grande Île a accueilli la quatrième réunion de Coordination Conjointe (JCC) du Projet Papriz (Projet d’Appui pour l’Amélioration de la Productivité et de l’Industrialisation du Secteur Riz). Cette initiative financée par l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (Jica) a été mise en place par le ministère de tutelle. Elle vise principalement à renforcer la sécurité alimentaire à Madagascar en améliorant la chaîne de valeur du riz. Actuellement dans sa troisième phase, ce projet stratégique ambitionne de promouvoir l’industrialisation du secteur rizicole.
Les efforts déployés ont déjà produit des résultats significatifs, notamment l’adoption généralisée de techniques améliorées qui ont permis d’augmenter les rendements jusqu’à 6,8 tonnes par hectare. Pour garantir la continuité des progrès accomplis et pour définir les orientations futures, une revue détaillée des réalisations du projet est entreprise. Cela inclut la gestion optimisée de l’eau pour l’irrigation par les associations d’utilisateurs, le soutien accru à l’accès aux semences de qualité, ainsi que des initiatives visant à réduire les pertes post-récolte. Un site pilote a été mis en place pour faciliter la collaboration entre toutes les parties prenantes impliquées dans le projet, ce qui offre la possibilité d’étendre les meilleures pratiques agricoles à travers toutes les régions du pays.
L’avenir rizicole du pays passe aussi par la mécanisation. |
Stratégie semencière plus efficiente
À signaler également que des documents d’échange sur le projet d’assistance et de coopération pour le développement de la technologie du riz hybride à Madagascar ont été signés le mois dernier avec le gouvernement chinois.
« L’aménagement de nouveaux périmètres rizicoles s’inscrit dans la Politique Générale de l’État visant à atteindre l’autosuffisance rizicole. L’État va procéder à la vulgarisation du riz hybride dont les essais ont été concluants, tant au niveau du rendement qu’au niveau de l’adaptabilité au climat. Un rendement de 8 à 12 tonnes par hectare a été observé dans la région Atsimo Andrefana», a-t-on fait savoir à cette occasion.
Il est à noter que le riz hybride a été techniquement validé et que des tests ont été effectués avec succès. L’un des principaux acteurs de la production de riz hybride est le groupe Société Trading de l’Océan Indien, qui est déjà présent dans plusieurs régions de Madagascar. La signature d’un mémorandum d’entente entre le gouvernement malgache et la Corée du Sud, relatif à la coopération pour l’amélioration de la productivité rizicole à Madagascar, devrait aussi renforcer la filière.
À savoir en outre que, dans le cadre de sa Stratégie Nationale Semencière (SNS), la Grande Île vise à produire 8 400 tonnes de semences certifiées d’ici 2027. L’objectif est d’atteindre une production de 7,7 millions de tonnes de paddy, avec le soutien des différents projets et programmes en cours. Pour atteindre cet objectif, une nouvelle collaboration a été initiée avec des partenaires comme le Jica et avec l’implication du Centre National de Recherche Appliquée au Développement Rural (Fofifa) et le Service Officiel de Contrôle de Semences et de Matériels Végétaux (SOC). À cet effet, un atelier pour l’élaboration d’un plan de production de semences de base et de semences certifiées, ainsi que d’un plan de formation pour les producteurs de semences, s’est tenu au mois de juin dernier dans la capitale.
L’objectif de cet atelier était de mettre en œuvre les trois plans d’action suivants : le plan de production de semences de base au niveau du Fofifa, le plan de production de semences certifiées dans chaque région pour chaque variété, et le plan de formation pour les établissements semenciers selon les régions. Il visait également à partager des informations sur le volume de production de semences de base de chaque sous-secteur. Pour le directeur général de l’Agriculture et de l’Élevage, Anondraka Michel, la stratégie semencière joue un rôle capital pour l’avenir de la filière riz et l’atelier organisé a permis de réunir et de mobiliser tous les acteurs clés de ce sous-secteur.
Toujours en matière de coopération, le MINAE a aussi rappelé la tenue d’un atelier de lancement du partenariat DEFIS-Africa Rice visant à renforcer le programme de recherche rizicole et les institutions nationales à Manakara, il y a deux mois. L’objectif principal de cet atelier était de présenter la convention aux parties prenantes, d’exposer les objectifs, résultats et activités planifiées, de discuter de la participation des partenaires, et d’examiner en collaboration les mécanismes de mise en œuvre du projet. Les interventions couvrent différents niveaux de la chaîne de valeur du riz: recherche, semences, productivité, mécanisation et transformation. Elles sont principalement ciblées sur les régions du centre et du sud-est.
L’autre effort à consentir est la mécanisation agricole au profit de la production rizicole. La vision de la stratégie nationale de mécanisation de la filière riz à Madagascar prévoit qu’en 2025, la riziculture malgache soit modernisée et performante, grâce à la promotion de la mécanisation agricole dans le cadre d’un mécanisme de partenariat public-privé bien coordonné. Ses objectifs globaux sont de contribuer au triplement à moyen terme de la production de riz, de contribuer à l’amélioration qualitative des conditions de vie et des revenus des acteurs de la mécanisation rizicole, et de contribuer à la gestion durable des ressources naturelles.
Exportation de riz
Cibler les marchés de niche
La Grande île vise une production de 11 000 000 de tonnes de paddy en 2030. |
La filière riz de Madagascar se prépare à un tournant majeur avec l’ambition de retourner sur le marché international du riz d’ici 2027. Actuellement, le pays concentre ses efforts sur l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, une condition préalable à cette stratégie d’exportation. La Stratégie Nationale de Développement Rizicole (SNDR 3) vise à augmenter continuellement la production de riz, un objectif soutenu par des initiatives comme le projet Papriz 3, en collaboration avec divers partenaires.
Les discussions récentes ont mis en lumière le potentiel des variétés de riz à forte valeur ajoutée, comme le riz noir et le riz brun, pour lesquels la demande est élevée à l’international. En se positionnant sur ces marchés de niche, le pays pourrait non seulement diversifier son économie, mais aussi améliorer ses revenus agricoles tout en répondant aux besoins nutritionnels de sa population. Cette initiative pourrait renforcer la résilience du pays face aux fluctuations du marché mondial et des aléas climatiques.
La riziculture tient une place prépondérante et stratégique dans l’économie malgache. Cependant, l’analyse du secteur agricole montre que malgré ce potentiel, le pays n’arrive pas à atteindre un niveau de production satisfaisant et durable lui permettant de se tourner vers le marché extérieur. L’une des causes principales de stagnation réside dans le faible niveau de mécanisation des exploitations agricoles familiales. En effet, la grande majorité de ces dernières s’appuie encore fortement sur la main-d’œuvre et utilise principalement des matériels aratoires de base tels que la bêche, le coupe-coupe, la faucille, etc.
Mais selon les responsables, une démarche concertée et participative a été adoptée pour une meilleure mobilisation des parties prenantes, dont le secteur privé, les organisations paysannes, les représentants des différents ministères concernés dont le département chargé de l’industrialisation et du commerce. De la facilitation de l’accès aux matériels agricoles pour toutes les catégories d’exploitants agricoles au renforcement de la capacité d’offres d’équipements et de services, en passant par le renforcement des structures de l’État, les mesures incitatives à mettre en œuvre ont été identifiées et discutées.
VERBATIM
Tahiana Razanamahefa, secrétaire d’État auprès de la Présidence chargée de la Souveraineté alimentaire
« Madagascar n’aura ainsi plus besoin d’importer des semences pour développer le riz hybride. En outre, le prix de cet intrant agricole connaîtra une baisse sans parler de la facilitation de son accès aux paysans. Des variétés de semences de riz hybride ont été sélectionnées étant donné qu’elles sont bel et bien adaptées aux conditions climato-pédologiques de toutes les régions de la Grande île, après des expérimentations menées qui ont été concluantes depuis ces dernières années. »
Zoelinirina Zoé Patricia, coordonnateur national du projet Papriz
« Nous avons recensé plus de cent mille paysans qui ont adopté la technique Papriz au niveau des zones d’intervention du projet. Ils ont pu améliorer leur rendement de productivité atteignant 5,5 tonnes par hectare en moyenne. Les rendements minima et maxima s’élèvent respectivement à 3,5 tonnes/ha et 6,8 tonnes/ha, et ce, sur une superficie totale de 85 000 ha. Ce qui contribue forcément à l’augmentation de la production rizicole au niveau national. »
LA FILIÈRE RIZICOLE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar