Les Talaotra forment deux groupes de « gens de la mer »

Le Nord-Ouest de Madagascar d’après un chercheur.

Après la thalassocratie Waq-Waq, l’académicienne Ramisandrazana Rakotoariseheno nous fait entrer dans la ­thalassocratie Antalaotra («De la thalasso-cratie Waq-Waq à la thalassocratie Antalaotra dans le Canal de Mozambique », Communication faite dans le cadre de la 75e commé-moration du 29 Mars 1947, « Nation et Souveraineté », Colloque scientifique international du 30 juin au 1er juillet 2022, et publiée dans les « Mémoires de l’Académie Malgache », Fascicule, LVIII, décembre 2023). 

Comme elle l’annonce, son étude aborde « une autre phase, mais du même continuum, de la civilisation malgache» avec la réorgani-sation des hommes et des territoires, le « fandaminam-pitondrana » comme l’affirme Gervais Jacques Zafitsimeto («Conversation et Échanges d’information sur les Antalaotra », 2020). Cette réorganisation fait suite à la venue des Antalaotra communément appelés «islamisés» par les Européens et qui s’établissent sur la côte Sud-Est, à côté des anciens Antambahoaka. 

D’après l’académicienne, «les Tambahoaka se retrouvaient également dans le Grand Sud et présentés comme étant d’anciens Tompontany. Les Talaotra seraient venus de la région de l’Alaotra ». Elle ajoute que, vers le XIe- XIIe siècle, ils se substituent aux derniers souverains Waq-Waq, quand les dernières grandes migrations austronésiennes se sont taries et que l’empire thalassocratique de Srivyjaya disparait. Il s’agit d’une cité-État « dont la puissance était bâtie avec l’alliance de populations appelées aujourd’hui ‘Orang Laut’ et qui veut dire ‘gens de la mer’, autrefois pirates. La cité avait contrôlé le détroit de Malacca et fut attaquée et pillée par la flotte envoyée par le roi Rajendra Chololeva de Thanjavur, venant du Sud de l’Inde ».

Dans le « Firaketana », cite l’acédémicienne dans sa Communication, les Antalaotra sont considérés comme étant des « Arabes », s’établissant dans la partie Nord-Ouest de la Grande ile, du côté du cap d’Ambre, à Nosikomba, Langany, Kandrany et Baly. Le mot désigne en fait deux groupes de gens de la mer différents, précise-t-elle. Le premier regroupe alors une popu-lation assez cosmopolite de Malgaches, d’Arabes omanais et yéménites et de Shirazi, mais aussi d’Africains souahili (ce mot veut dire peuple des côtes en arabe). L’étude de G. Rantoandro est la synthèse la plus récente sur le sujet, souligne l’académicienne. 

D’après ce chercheur, « le mot Silamo englobe les Antalaotra, les Arabes et même les Indiens. Parmi les Silamo, les Antalaotra ont une place à part et sont identifiés grâce à leur lieu d’implan-tation». Il continue son analyse en posant une question fondamentale : « Comment un mot malgache ait été utilisé pour désigner un groupe clairement perçu comme étranger ? ». Il se réfère au père Luis Mariano qui décrit les Talaotra comme des Souahili, issus de Shirazi et de bantou. Ainsi pour G. Rantoandro, les « Antalaotra constituaient avant tout une communauté économique et que les autres traits de leur culture ont surtout servi à en préserver, du moins la cohésion, sinon les intérêts durant pratiquement cinq siècles ».

Ramisandrazana Rakotoariseheno, de son côté, tient à préciser que les plus anciennes des migrations de Waq-Waq se sont fondues dans cette nouvelle migration de Silamo, compte-tenu de l’utilisation du mot et de la continuité des anciennes habitudes commerciales du groupe. Car, soutient-elle, la communauté talaotra a toujours été présentée comme différente des autres Silamo.  

Par ailleurs, écrit-elle, la tradition des Onjatsy, un autre groupe antemoro, indique qu’ils viennent de cette partie du Nord-Ouest avant de s’établir, tout d’abord, sur la côte Nord-Est. Ils laissent au passage leurs parents Anjoaty dans la région Sava      actuelle (nom tiré des principales villes de district Sambava, Antalaha, Vohémar et Andapa).

Ils poursuivent ensuite leur chemin pour chercher des sites plus favorables à leur installation dans le Sud-Est « en étant les maîtres de l’embouchure et du ‘sombily’, dans un premier temps, avant la venue d’autres Antalaotra Zafikazimambo ». 

Ce qui atteste encore une fois, estime l’académ-icienne, que ces Antalaotra sont des gens fortement métissés avec une éventuelle prédominance d’anciens Malgaches. Enfin, le second groupe d’« islamisés », vient de l’Arabie du Sud qui font partie du grand groupe des Antemoro.

Pela Ravalitera

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