 |
| Une unité industrielle de production de miel installée dans la région Boeny. |
Dans la région Boeny comme dans la région Diana, à Sambaina Manjakandriana, Manakara ou encore Farafangana, les unités de transformation du miel implantées grâce au programme ODOF (One District, One Factory) sont maintenant pleinement opérationnelles. Ce qui contribue à redimensionner significativement la filière miel du pays.
Selon les observateurs, les initiatives publiques au profit de la filière permettent au pays de mieux tirer profit de son endémisme exceptionnel, avec un taux qui excède 80 % pour les insectes et avoisine même les 100 % pour certains groupes. Du côté du ministère de l’Industrialisation et du Commerce (MIC), on soutient que les efforts pour développer le tissu industriel dans la filière miel vont se poursuivre.
Ce département ministériel explique que le miel de Madagascar dispose d’un important potentiel qui commence juste à être exploité. La richesse de la flore ainsi que les caractéristiques du climat donnent de longues périodes de floraison d’une très grande variété d’espèces. Elles permettent de produire tout au long de l’année plusieurs récoltes de miel de qualité aux saveurs multiples nées du grand nombre d’essences butinées. Il est même possible d’obtenir jusqu’à quatre récoltes annuelles quand les apiculteurs sont bien encadrés et bien outillés. La filière miel est une source de revenus importante pour les paysans, surtout en période de soudure (période difficile entre deux récoltes).
Le développement de l’apiculture et la transformation du miel contribuent aussi à la protection de l’environnement. Une diminution des feux de brousse volontaires est constatée dans les zones où est pratiquée l’apiculture. Dans la région Boeny, l’unité de transformation apicole installée l’année dernière produit déjà 100 litres de miel par heure. À Manakara, la production est estimée à 100 tonnes de miel par an. À Farafangana, l’installation d’une miellerie est vue par les coopératives actives dans la filière comme une action salutaire car c’est un district riche de différents parfums comme le niaouli, le litchi, l’eucalyptus, le macaranga et le miel à mille fleurs.
Le miel issu de l’apiculture moderne est acheté en vrac par les grossistes. Le prix peut aller jusqu’à 8 000 ariary le kilo. Et la demande sur le marché national pour un miel de qualité augmente d’année en année. En Europe, le kilo du miel de Madagascar peut être proposé dans les grandes surfaces à 10 euros et même plus.
La consommation de miel par habitant n’est pour l’instant que de 500 g par tête par an. « Mais l’heure est maintenant à la renaissance de la filière. Les principales zones de production (les hauts plateaux dont Manjakandriana, la région d’Ambositra, la côte-est allant de Maroantsetra à Tolagnaro, le nord-ouest…) mettent sur le marché entre 3 000 et 4 000 tonnes par an et la chaîne de valeur de la filière tend à se moderniser », constate Hary Sambatra, une jeune entrepreneure qui opère dans la collecte de miel de qualité.
Différentes techniques de production
Les produits issus de l’apiculture sont le miel et la cire. Le miel est le principal produit, c’est un aliment riche et énergétique. Dans de nombreuses régions du pays, il est utilisé en remplacement du sucre, en thérapie et en cosmétologie traditionnelles. La cire est une sécrétion de l’abeille ouvrière, utilisée comme matériau de construction des rayons de la ruche. Quant aux sous-produits, on peut citer en premier lieu la gelée royale qui est une substance très riche en facteurs de croissance, en vitamines et en sels minéraux, utile en pharmacie. Chaque ruche en contient. Il y a également le pollen qui comprend des vitamines B, des protéines et des oligo-éléments.
Si la filière miel tend vers la modernisation, la prédominance des techniques traditionnelles demeure. Les ruches en troncs d’arbre sont exploitées dans les différentes régions productrices, notamment sur la partie orientale de l’île. La région commence cependant à appliquer les techniques modernes avec le soutien de différents organismes. Les ruches utilisées varient d’un tronc d’arbre creux à une ruche moderne à cadres mobiles de type Dadant ou Langstroth en passant par les ruches améliorées.
On distingue aujourd’hui quatre grandes typologies de techniques pour produire du miel. Il y a l’apicueillette qui consiste à aller à la recherche des essaims sauvages et à en extraire le miel. Il y a ensuite l’apiculture traditionnelle où la ruche est faite de poterie, de tronc d’arbre creusé, de récipients de récupération ou de caisses. Vient après l’apiculture améliorée utilisant la ruche à barrette qui est la forme actualisée de la ruche traditionnelle en caisse. L’édification des rayons par les abeilles est contrôlée rendant les visites plus faciles. Il y a enfin l’apiculture moderne qui adopte les ruches à cadres. Ce type d’exploitation utilise également d’autres matériels apicoles nouveaux (importés ou de fabrication artisanale), entre autres l’extracteur en inox.
Selon les enquêtes effectuées, le principal frein au développement de la filière miel de Madagascar se situe au niveau des capacités d’investissement qui sont faibles. Les matériels apicoles sont chers et ne sont pas à la portée financière de la plupart des paysans. Pourtant, le revenu généré par la vente des produits apicoles dépend étroitement du mode de production et du niveau de technicité des exploitations, de l’importance des investissements et de la disponibilité en ressources mellifères, qui conditionnent le rendement mais également de la taille de l’exploitation. Raison pour laquelle les autorités ont choisi de classer la filière miel parmi les priorités du programme ODOF.
Rendement en hausse
On estime que la vente de miel représente en général entre 20 à 60 % des revenus globaux des ménages apiculteurs. L’activité pratiquée de façon traditionnelle est difficilement maîtrisée et comporte de nombreuses contraintes : le miel est souvent récolté trop tôt, il contient alors beaucoup d’eau et se conserve difficilement. Les arbres sont abattus pour arriver à peupler les ruches. Les ruches sont peu entretenues et attaquées par les parasites. Les techniques de récolte utilisées perturbent les colonies. La colonie perd du temps à reconstituer les plaques une fois la récolte passée. Les reines peuvent également être tuées lors des manipulations.
Avec l’apiculture moderne qui commence à gagner du terrain, les charges d’exploitations sont plus importantes mais le rendement est nettement meilleur, le bénéfice au final est plus encourageant. Pour le ministère de tutelle, la filière miel de Madagascar figure parmi les secteurs appelés à porter les nouvelles ambitions industrielles du pays. L’année dernière, dans la région Amoron’i Mania, le ministre en charge de l’Industrialisation, Edgard Razafindravahy, a déclaré que l’État prévoit l’installation de seize mielleries dans les districts. Le membre du gouvernement a également indiqué que le programme ODOF vise un véritable développement par la base.
Créer des industries proches des communautés, c’est améliorer le revenu et les conditions de vie des paysans et des coopératives. Ces petites industries issues des pépinières permettront de subvenir aux besoins des communautés et de dynamiser au mieux les économies locales. À terme, le nouveau tissu industriel contribuera à répondre aux besoins nationaux en produits de base et de réduire la dépendance de Madagascar aux importations. À savoir que l’État finance les projets ODOF uniquement sur fonds propres.
Apiculture
 |
| Le miel produit par les unités ODOF est de plus en plus présent sur le marché. |
Les apiculteurs chasseurs d’essaims (35%) réalisent pour leur part un élevage traditionnel à partir d’essaims recueillis en forêts. Un tronc d’arbre creux sert de ruche. On y attire la colonie pour qu’elle produise du miel. Cette pratique est plus respectueuse de l’abeille. Cependant, du fait du peu d’élaboration des techniques employées, elle n’obtient que de faibles rendements : entre 4 à 7 kg de miel pour une ruche traditionnelle, alors qu’ils se situent entre 10 à 20 kg par an pour une ruche moderne.
Quant aux apiculteurs intégrés (15%), ils travaillent en partenariat avec des mielleries ou coopératives. Leurs techniques de production sont similaires à celles utilisées par les apiculteurs dits modernes. À Madagascar, une ruche produit entre 10 et 60 kilos de miel par an suivant la vigueur de la colonie mais également en fonction de la qualité de l’environnement mellifère et de la météo. Dans l’Est, les apiculteurs effectuent quatre miellées par an (niaouli, polyfloral, macaranga, litchi). L’apiculture est très présente dans la culture malgache et répandue sur l’ensemble du pays. Le miel y jouit d’une très bonne image et est utilisé traditionnellement en remplacement du sucre, en thérapie et en cosmétologie.
À noter que différentes organisations œuvrent dans l’appui à la filière miel à Madagascar à l’instar d’Helvetas qui a mis en œuvre des projets pilotes dans les régions d'Amoron'i Mania, Diana et Atsimo- Andrefana (zone Mikea) pour développer la chaîne de valeur miel en partenariat avec le secteur privé. « La phase pilote dans ces régions a été riche en enseignements et leçons apprises et a permis de prendre la décision de concentrer les interventions dans la région Diana », a noté l’ONG dans son rapport.
Depuis plus de cinq ans, cette ONG développe l’apiculture moderne et semi-moderne en partenariat avec les coopératives et groupements d’apiculteurs locaux avec des financements du gouvernement helvétique. Vu les progrès constatés à Ambanja, une extension de l’intervention s’est effectuée sur Ambilobe en collaboration avec des partenaires comme le programme AFAFI Nord, financé par l'Union Européenne, le programme PAGE-GIZ et le Projet Kobaby.
 |
| Le potentiel de développement de la filière miel est très important à Madagascar. |
VERBATIM
 |
| Njiva Rakotoarivonona, directrice générale de l'Industrialisation |
« Le programme ODOF vise à doter chaque district d’une usine afin de stimuler la production locale et de créer des emplois. La mise en œuvre du programme par le MIC (ministère de l’Industrialisation et du Commerce) s’inscrit dans une stratégie plus large visant à promouvoir le développement industriel dans les régions rurales de Madagascar. Aujourd’hui, les produits issus des unités industrielles ODOF sont bien visibles sur le marché : miel mais aussi fruits séchés, vin de fruits, huile alimentaire… »
 |
| Dr Toky Rakotondrafara, cadre auprès de la direction régionale de l’élevage (Diana) |
« La filière miel est porteuse et rentable dans la région Diana. Cette dernière compte aujourd’hui plus de six cents apiculteurs, dont 25 % traditionnels, 19 % semi-améliorés, 48 % en cours de modernisation et 8 % modernes. L’existence de plusieurs projets qui interviennent dans la filière apicole, surtout au sein des aires protégées, est un atout pour la région. Et la présence d’une société exportatrice de miel à Nosy Be est une opportunité. Mais il faut préserver la filière de la maladie varroase qui est apparue à Madagascar en 2010. »
LA FILIÈRE MIEL EN CHIFFRES
