Quelques mois après l’exécution de Ravoninahitriniarivo, victime de la jalousie de son oncle, ce dernier sera envoyé en exil à Alger. |
Dès le retour d'Europe et des États-Unis de Ravoninahitriniarivo à la tête d'une ambassade, en août 1883, le Premier ministre Rainilaiarivony cherche tous les prétextes pour l'écarter du Palais. Un évènement sera décisif pour lui permettre de le faire. D'après une communication faite par le Dr Raharinosy à l'Académie malgache en 1937, le sceau du ministre des Affaires étrangères étant usé, Ravoninahitriniarivo demande au Premier ministre- et semble-t-il devant la Reine et plusieurs grands officiers du Palais- l'autorisation d'en commander un autre en Europe. Rainilaiarivony approuve « verbalement » la demande. Quand le sceau arrive, le ministre des Affaires étrangères en réfère à son chef, mais celui-ci saisit l'occasion pour le faire arrêter et le traduire devant la Cour criminelle pour fabrication de faux cachet!
Le mercredi 7 septembre 1887, vers 8 heures, alors que Ravoninahitriniarivo se rend au Palais comme à son habitude, un groupe de soldats conduits par le XII honneurs Ratsimandresy, un autre fils de Rainilaiarivony, l'arrête et le conduit au Tribunal criminel d'Ambatodrafandrana, pas loin de chez lui, pour être entendu et jugé en audience publique. On perquisitionne dans sa maison où se trouvent les bureaux du ministère des Affaires étrangères et on transporte au Palais, dans des soubiques, les livres, « diaries » et tous les écrits que l'on y trouve. La maison et le tribunal sont sévèrement gardés par des soldats armés.
Une foule compacte assiste à l'audience. « Mais plusieurs amis intimes de l'accusé, prévoyant l'issue finale de ce jugement, préfèrent s'enfermer chez eux. » À 9 heures arrive un groupe d'officiers et de juges présidé par le XIV honneurs Rainitsimbazafy. Ministre de l'Intérieur, ce dernier deviendra Premier ministre en octobre 1895 et jusqu'à la chute de la monarchie, après la déposition de Rainilaiarivony par le général Duchesne. Il est assisté du XV honneurs Ratsimanohatra, de nombreux officiers et du ministre de la Justice Ralaitsirofo. La famille y est également représentée et l'on remarque notamment le XV honneurs Rainiharovony, le cousin de l'accusé et fils et successeur désigné du Premier ministre. La délégation des juges est chargée d'interroger l'inculpé et procède « selon le plan et les recommandations donnés par le Palais ». Après l’interrogatoire, la délégation quitte le Tribunal, se rend au Palais de la Reine pour y apporter la réponse de l'inculpé et ne revient qu'après un laps de temps assez long.
« Pendant ce temps, l'accusé, tête nue, était assis sur un petit escabeau qu'on lui avait présenté. »
La séance dure jusqu'à 19 heures, puis la délégation prononce l'arrêt de condamnation de Ravoninahitriniarivo à la peine de mort. En entendant la sentence, ce dernier se prosterne et demande grâce. En tant que membre de la famille, Rainiharovony sollicite, comme l'usage l'autorise, une commutation de peine au nom des services rendus par Andriantsilavo et par Rainiharo à la royauté. La délégation retourne au Palais et en revient pour annoncer que la sentence est commuée en exil à perpétuité à Ambositra. D'après le Dr Raharinosy, la nature et la durée des peines varient d'un auteur à l'autre. Le père Malzac et Mitridate relatent que Ravoninahitriniarivo est condamné à vingt ans de fers, peine commuée en exil perpétuel. Ceux qui assistent au jugement, parlent d'une peine de mort également réduite en exil perpétuel. Ratsimanohatra, secrétaire d'audience, affirme que la durée de la peine n'a pas été déterminée. Elle a d'abord consisté en une condamnation aux fers à subir à Antananarivo, avant d'être commué en exil à Ambositra.
Ramatoa Ratavy, femme du condamné, demande à l'accompagner, ce qui est accepté. Les filanjana et les bourjanes chargés du transport du couple sont déjà prêts et il quitte immédiatement les lieux, escorté par des soldats armés. Plusieurs des amis et connaissances de Ravoninahitriniarivo le suivent, dit-on, jusqu'à Soanierana. Le prisonnier d'État arrive le 14 septembre 1887 au soir à Ambositra où une prison est spécialement construite à l'ouest de Vinany. C'est une petite maison d'habitation entourée d'un mur et munie d'un seul portail gardé par des soldats. Le couple a, à son service, deux hommes et deux femmes.
D'après sa femme qui rentre à Antananarivo après sa mort, Ravoninahitriniarivo aurait pu s'évader de sa prison s'il l'avait voulu, car un riche personnage de Mananjary, Ramanoara, serait venu plusieurs fois le voir et l'aurait engagé à fuir, mais il a toujours refusé. Elle raconte la fin tragique de son mari. « Un matin, deux hommes qui prétendaient lui apporter un remède ‘parce qu'il était malade’, l’ont obligé par des menaces à le prendre malgré ses protestations. Après avoir demandé le temps d'une prière, il a avalé le liquide. Presqu'aussitôt, il m’a dit qu'il voyait trouble et s'est affaissé. » Les deux hommes se retirent et Ravoninahitriniarivo meurt. C'est le 19 décembre 1894.
L'Express de Madagascar