PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT  - Rôle à multiples facettes

Terre de contrastes et d'harmonie, la Grande île offre une grande diversité de milieux naturels allant de l'exubérance tropicale au dépouillement des zones arides. Terre multicolore, terre-continent, terre d'accueil pour de la faune et de la flore rencontrées nulle part ailleurs. Les forêts de Madagascar sont célèbres pour leur faune et leur flore unique au monde, elles fournissent également des produits indispensables à la vie quotidienne des malgaches. Cette nature doit donc être gérée durablement pour préserver ses richesses et ne pas mettre en péril la sécurité économique de la population. 

 Une gouvernance de territoire équitable impose le respect des droits coutumiers et de l’État de droit, la promotion de l’établissement de dialogues constructifs et d’un accès équitable à l’information, et la responsabilité dans la prise de décision. En général, la protection des territoires répondait avant tout à un souci d'utilisation ciblée, comme par exemple les réserves de chasse qui étaient destinées à certaines élites au Moyen Âge en Europe. Au fil du temps, la dimension écologique de la protection des territoires ouvre la voie à la prise de conscience globale quant à la protection de l’environnement. Ce n’est que récemment dans l’histoire de l’humanité que des territoires déterminés naissent en officiant pour la préservation de la biodiversité. L'explosion du nombre des aires protégées et de la surface qu'elles couvrent est un phénomène d’autant plus récent en Afrique que dans notre pays. 

Madagascar présente une importance particulière pour la conservation de la nature. L'île tout entière est considérée comme un point chaud de biodiversité, avec un taux d'endémisme extrêmement important. Et malgré ces difficultés socio-économiques, un réseau d'aires protégées s'est constitué dès 1927 (Madagascar étant alors une colonie française) et a connu une expansion rapide à partir de 2003, à la suite du congrès mondial des Parcs à Durban. Selon une conception adoptée par les acteurs de la conservation écologique, une aire protégée est un espace géographique clairement défini, consacré, reconnu et géré, par tout moyen efficace, qu'il soit juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature, des services écosystémiques mais également des valeurs culturelles associées. Ainsi donc, la gestion d'une aire protégée a trait à des questions de pouvoir, de relations et de responsabilités et repose sur beaucoup de paramètres tantôt humains que structuro-organisationnels. D’une part, la gestion des aires protégées constitue un écosystème hétérogène où doivent coexister l’État, les bailleurs de fonds, les ONG, les associations, la société civile, les populations locales et les autorités compétentes ; tant d’individus et d’entités qui ont tous leurs mots à dire à la fois en tant que parties prenantes de la conservation environnementale. D’autre part, nous avons des propriétés étatiques qui sont concédées à des gestionnaires autonomes sur lesquels l’État se veut garder un certain contrôle. Au fil du temps, avec la gravité des crises écologiques à l’échelle mondiale, ce pouvoir est maintenant co-exercé  avec toute une communauté : locale, nationale et internationale. Nous ne sommes pas sans savoir que les co-détentions de pouvoirs et de ressources amènent parfois à des oppositions concurrentielles au sein du même organisme lors des prises de décision. Étant donné que les ressources stratégiques représentent un réseau complexe d'actifs et de capacités interdépendants, les organisations peuvent adopter de nombreuses structurations afin de répondre à des attentes de performance de leurs modèles de gestion.


À l'heure actuelle, plus de 15 % de la surface terrestre bénéficie d'une forme de protection formelle. On appelle ces territoires des aires protégées. Le premier parc formellement reconnu dans l'acceptation moderne du terme fut celui du Yellowstone en Amérique du Nord en 1872. Son classement découle de la volonté des pionniers américains de préserver un paysage exceptionnel que la colonisation allait sans doute faire disparaître. Il s'agit donc de conserver la nature dans son état premier. Mais il existait évidemment déjà de nombreuses formes de protection plus ou moins formelles. Par exemple, les sites naturels ayant un caractère sacré ont été précurseurs de la conservation de la nature. S'il est difficile de dater leur apparition, certains sont connus et reconnus depuis des centaines sinon des milliers d'années. Mais en général, la protection de territoires répondait avant tout à un souci d'utilisation ciblée, comme par exemple les réserves de chasse qui étaient destinées à certaines élites au Moyen Âge en Europe. L'explosion du nombre des aires protégées et de la surface qu'elles couvrent est un phénomène tout à fait récent. 

De quelques dizaines à l'aube du 20e siècle, on est passé progressivement à plus de deux cent mille aujourd'hui, réparties partout sur le globe (UICN, 2016). L’histoire récente des aires protégées en Afrique, et en particulier en Afrique francophone, peut être schématiquement décomposée en trois périodes :

Durant la période coloniale et jusqu'à la fin des années 50, beaucoup de forêts classées ont été créées comme transposition des forêts domaniales en Europe. L'objectif de ces forêts était essentiellement la conservation d'une ressource, en général le bois, mais parfois elles prévoyaient une conservation élargie de l'écosystème. Certaines forêts, néanmoins, ne servaient qu'à produire du bois, par exemple pour alimenter en charbon le chemin de fer. Les réserves ou domaines de chasse, sur le même principe, protégeaient le gibier pour une exploitation des animaux sous forme de trophées ou parfois commerciale, comme l'ivoire par exemple. C'est cela qui a précipité les effectifs de bon nombre d'espèces en Afrique. 

La décolonisation est suivie d'une période assez neutre en matière de création ou de gestion des aires protégées, tout simplement parce que les jeunes États avaient d'autres priorités et peu de moyens à investir sur ce secteur. Il faut attendre les années 80 et surtout 90, après la Conférence de Rio, pour que s'amorce un nouvel élan : création de nouvelles aires protégées dans les pays qui n'en comptaient guère. 

Cette période récente voit aussi l'évolution de certains territoires d'un statut à un autre, et notamment de forêt classée, on l'a vu souvent pour la conservation d'une ressource, à parc national plutôt dirigé vers le tourisme. Enfin, et surtout, cette période correspond à une reprise en mains au moins théorique des aires jusque-là délaissées et auxquelles les bailleurs de fonds se sont à nouveau intéressés et qu'ils continuent dans certains cas de soutenir actuellement.

Globalement, retenons qu’il y a plus de sept mille aires protégées qui sont actuellement recensées en Afrique, dans la base de données mondiale et qu’elles couvrent environ 13.8% des terres et 3.7% des mers en Afrique (PAPACO, 2016). Cette couverture n’est pas homogène, ni représentative ; que ce soit au niveau global ou au niveau de l’Afrique. Certains territoires ont été délaissés comme les déserts ou encore les zones en général côtières qui bien qu’importantes pour la biodiversité sont assez peu protégées tout simplement parce qu’elles sont densément peuplées et que c’est donc plus difficile d’y travailler.

Répartition des aires protégées en Afrique (sauf Madagascar)- TV5 Monde (Sijelmassi, 2022) 

Les aires protégées sont reconnues aujourd'hui comme étant un outil fondamental pour parvenir à la conservation de la diversité biologique. Certains parlent même de la guerre angulaire des stratégies de conservation. Cela explique sans doute leur progression spectaculaire en nombre et en surface au cours des dernières années. Avec la mondialisation et la globalisation, qui sont marquées par une homogénéisation massive des modes de vie et un accélérisme technologique sans précédent, les questions écologiques prennent des places importantes dans le fonctionnement des firmes et des nations. 

Rôle Écologique

Dans un climat en évolution, les aires protégées revêtent une nouvelle importance comme refuges sûrs pour la biodiversité, en offrant des habitats de bonne qualité et moins vulnérables aux conditions climatiques extrêmes, en fournissant des abris pour les espèces menacées et en conservant d’importantes réserves génétiques. Il deviendra aussi plus important de protéger les paysages de référence – écosystèmes sur lesquels se fonde la planification de la restauration et qui servent de base pour en évaluer le succès. Ces aires protégées conservent des espèces, parfois menacées, des écosystèmes spécifiques ou des milieux rares, et elles tentent de préserver ces milieux dans un état sinon naturel, en tout cas le moins modifié possible. Cette vision historique des parcs et réserves a cependant évolué. De parcs sous cloche, les aires protégées ou au moins certaines d'entre elles évoluent peu à peu vers des territoires de gestion durable de l'environnement, où les activités humaines, par exemple la pêche, lorsqu'elles sont compatibles, et c'est très important de le souligner, peuvent être intégrées dans la gestion et ainsi venir la renforcer. Il y a évidemment un paradoxe qui n'échappera à personne : alors que le nombre d'aires protégées sur la planète ne cesse de croître, la biodiversité ne cesse de se raréfier. En parallèle, les détracteurs des aires protégées ne manquent pas. Parmi les raisons invoquées pour expliquer cette situation, il y a d'abord le fait que certaines aires protégées ne sont pas efficaces, soit parce qu'elles ont été mal montées, soit qu'elles manquent de moyens, soit qu'elles sont mal gérées. Enfin bref, elles n'atteignent pas leurs objectifs de conservation. Certaines aires protégées sont même purement virtuelles, ne représentant plus qu'un simple trait sur une carte.

Tout compte fait, c'est la gouvernance de ces territoires qui est toujours sérieusement mise en cause, en particulier leur incapacité à s'attirer le soutien des populations locales directement impactées par leur existence, ce qui rend d'autant plus difficile leur protection. Cette notion prend de plus en plus de place avec le développement d'aires protégées où l'exploitation des ressources naturelles est possible, comme nous le verrons bientôt. Mais attention, il n'est pas forcément toujours réaliste de penser qu'on peut systématiquement associer les acteurs locaux, certaines aires protégées étant justement créées pour prévenir toute activité humaine, ce qui rend alors évidemment l'implication des populations locales relativement compliquée. Mais les fonctions, les rôles des aires protégées vont bien sûr au-delà de leur simple et essentiel rôle pour la conservation. Elles sont des lieux de récréation et de découverte de la nature et permettent la sensibilisation du public, grand ou petit, aux enjeux de la conservation. C'est une fonction absolument essentielle, souvent sous-estimée, alors que l'avenir de ces territoires, de nos aires protégées, dépend en fait du soutien du plus grand nombre. Elles offrent aussi des territoires relativement préservés pour conduire les actions de recherche nécessaires à une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. Elles procurent des biens et des services à nous tous, aux habitants dans et autour des aires protégées bien sûr (c'est facile à comprendre), comme par exemple les produits issus de la forêt, le bambou, le miel, les plantes médicinales, etc. Mais à distance aussi car elles ont un rôle dans l'épuration de l'eau qui les traverse, dans le maintien d'un air dénué des pollutions humaines, etc. À ce titre d'ailleurs, elles sont aussi des éléments d'atténuation des changements climatiques et des laboratoires à ciel ouvert de l'évolution de la nature au cours de ces changements. Il y a beaucoup à apprendre sur la capacité des écosystèmes à s'adapter. C'est ce qu'on appelle la résilience. Les aires protégées conservent aussi des sites de valeur culturelle ou spirituelle. Et de plus en plus, culture et nature s'entremêlent pour former la valeur globale du territoire. Enfin, ces territoires représentent un engagement d'aujourd'hui pour le futur, la capacité de mettre de côté certaines ressources et richesses pour les générations à venir et pour répondre peut-être à leurs besoins. Ce n'est pas la moindre fonction des aires protégées mais ce n'est certainement pas la plus simple à faire comprendre. Les aires protégées ont donc de nombreux rôles qui s'additionnent, comme on vient de le voir. Pourtant, elles ne suffisent pas à endiguer l'érosion de la biodiversité et fort heureusement, il existe d'autres formes d'aménagement du territoire respectueux de l'environnement et qui peuvent également contribuer à la conservation. Une façon de faire est, certes, la création de nouvelles aires protégées, mais encore une fois, elles ne sauraient à elles seules répondre à tous les défis et la conservation de la nature.


Rôle Social 

Les aires protégées fournissent des services propres à l’écosystème tels que la disponibilité d’eau potable, le stockage du carbone et la stabilisation des sols, contenir des sites considérés comme sacrés par certains groupes confessionnels, et renfermer d’importants réservoirs de gênes utilisables en médecine, agriculture et foresterie. Face aux changements climatiques, les rôles que jouent les aires protégées en renforçant les capacités des populations locales à s’adapter aux changements climatiques acquièrent une nouvelle importance. En outre, la gestion des aires protégées permet de responsabiliser des populations humaines marginalisées ou certains groupes communautaires. De nouvelles formes de gouvernance des aires protégées, comme la conservation communautaire ou la cogestion, sont mises en œuvre à l’heure actuelle pour réduire les conflits d’ordre foncier et promouvoir le maintien à long terme des aires protégées au profit des parties prenantes.


Rôle Économique

Si l’habitat naturel d’un pays est ravagé par les impacts de l’altération du climat, son économie en souffrira. Dans une étude récente, les auteurs ont constaté que le produit intérieur brut (PIB) d’un certain nombre de pays, le Viet Nam en tête, pouvait être négativement influencé par la hausse du niveau de la mer, l’intrusion d’eau salée et des catastrophes naturelles attribuées aux changements climatiques. En contribuant à préserver les habitats naturels, les aires protégées aident à soutenir indirectement l’économie nationale. En outre, ces aires sont à même de fournir des moyens directs de relever les revenus, grâce non seulement au tourisme, mais aussi aux produits de valeur qu’elles renferment et aux services qu’elles rendent. C’est ainsi que la Réserve de biosphère Maya, au Guatemala, assure des emplois à plus de sept mille personnes et produit un revenu annuel d’environ 47 millions de dollars EU.

Réserve de biosphère Maya (Kimkim, 2023)

À Madagascar, d’après une étude réalisée sur 41 réserves, le taux de rendement économique du système d’aires protégées s’élevait à 54 pour cent et provenait pour une large part de la protection des bassins versants et, dans une mesure moindre, de l’écotourisme. Les aires protégées offrent donc un dispositif de sécurité qui peut être précieux en période de stress, par exemple lors d’événements climatiques extrêmes. La perte de ces aires pourrait entraîner des coûts notables, pour compenser entre autres les dommages aux infrastructures et les tragédies humaines causés par la désertification ou les raz-de-marée, ou la perte des revenus tirés du tourisme. En outre, on a estimé que l’abattage de grands massifs forestiers, comme ceux d’Amazonie, a influencé les régimes mondiaux de précipitations, nuisant ainsi à l’agriculture et, partant, aux moyens d’existence de millions de personnes. Dès lors, les aires protégées non seulement aident à sauvegarder la biodiversité, mais contribuent aussi ndirectement à la sécurité alimentaire de la planète.


Fer de lance de la conservation  

Sous l’impulsion du ministère de l’Environnement et du Développement durable, des actions coordonnées sur la mise en valeur du patrimoine naturel ainsi que sa préservation ont pour objectif d’atteindre un développement social au profit de la population. Plusieurs organismes / associations / ONG s’attribuent la mission de contribuer à la préservation de l’écosystème environnemental malgache au travers de la conservation écologique.

L’une d’entre elles et non des moindres : le Madagascar National Parks, est une association de droit privé, mandatée par l’État malgache pour la gestion de quarante-trois principales Aires Protégées Nationales.

  


Les quarante-trois Aires Protégées sont composées uniquement des Réserves Naturelles Intégrales, des Parcs Nationaux et des Réserves Spéciales. Cette association se voue intégralement à devenir une entreprise professionnelle reconnue dans la gestion durable des Aires Protégées d’intérêt national, représentant les joyaux de la nature et de la biodiversité. La mission de Madagascar National Parks est d’établir, de conserver et de gérer de manière durable, un réseau national de Parcs et Réserves, représentatifs de la diversité biologique et du patrimoine naturel propres à Madagascar.

Ces Aires Protégées devront constituer un levier d’incitations économiques pour la conservation auprès des populations locales et d’attirer l’investissement financier par le renforcement de la culture entrepreneuriale à tous les niveaux de gestion.

 Fait alarmant, rien qu’au cours du mois d’octobre 2022, la préservation de ces parcs se trouve face aux grands dangers des feux de forêts et du réchauffement climatique. Des efforts de reboisement et de conservation de plusieurs années ont été réduits à néant en quelques jours : 90% des végétations, de la zone de reboisement de Marohogo, dans la région Menabe, sont partis en fumée ; 80 ha du Parc National de Zombitse-Vohibasia sont la proie des flammes dans le Sud-ouest de la Grande île ; 8.000 ha de la réserve de la Baie de Baly à Soalala, ont été réduits en cendres à cause d’un incendie qui a duré 9 jours ; plusieurs constats de départs de feux qualifiés de criminels dans le parc national d’Ankarafantsika. Ces situations font état de l’importance et surtout de l’urgence d’un intéressement conséquent au modèle de gestion des aires protégées à Madagascar.

Pour tenter de protéger les ressources naturelles tout en assurant le développement des populations, la création et la gestion d’aires protégées est un moyen largement utilisé et reconnu au niveau international. On considère même que la conservation de la biodiversité en Afrique dépend en grande partie de l’efficacité des systèmes d’aires protégées. La mise en concession constitue le modèle de gestion affecté à l’organisme Madagascar National Parks en ayant la même finalité que la mise à disposition ou l’affectation de bien publique. Il s’agit ici d’un transfert d’usage d’un ou plusieurs biens à titre gratuit avec les droits et obligations qui s’y rapportent, tout en conservant la propriété de ces biens.

En partant du postulat que l’État concède à l’organisme de droit privé, la gestion d’un patrimoine, ce dernier peut envisager l’extension de ce mandat vers une forme de cogestion où l’organisme entrerait en partenariat avec une entité privé/personne tiers à part dans la bonne gouvernance d’un site spécifique. D’une part, cette optique permettra à Madagascar National Parks de partager les risques avec une autre entité, cette fois concessionnaire de son propre site ; mais contribuera également à mettre en place un système de cogestion sous l’égide de partenariat public-privé dont les éloges ne sont plus à démontrer à Madagascar. Cette pratique s’inscrit dans les politiques de développement même du pays. Cette cogestion pourrait se traduire, par exemple, sous la forme d’aménagement de complexe écotouristique ou de laboratoire de recherche, en gardant comme objectif la conservation, mais aussi une entreprise de subsistance et d’autosuffisance pour chaque site et donc pour l’organisme lui-même.

Fifaliana Iarinala Randriatafika

Doctorant en Science de Gestion - Laboratoire BRAIN

Institut National des Sciences Comptables et de l’Administration d’Entreprises

Une collaboration entre L’Express de Madagascar et l’INSCAE

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne