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| Des touristes français à Brickaville au début du XXe siècle. |
Dans le dernier numéro de 1908 du Bulletin de la Société de géographie commerciale de Paris, se trouve le premier prospectus invitant les Européens à effectuer une croisière dans la Grande ile, d'août à octobre 1909. C'est une initiative d'une agence de voyages lyonnaise, l'Agence Lyon Républicain. Celle-ci est appuyée par trois maisons parisiennes chargées de rabattre le client, avec le concours des Messageries maritimes, de diverses sociétés coloniales et l'aide financière de l'administration de la Colonie.
Le gouverneur général Victor Augagneur, attaché à son Lyon natal, encourage cette initiative qui ne peut être que profitable à Madagascar, en la faisant mieux connaître. Aussi accorde-t-il sans difficultés le concours qu'on lui demande. Il consiste essentiellement en la gratuité des excursions à l'intérieur de la Grande ile. Ces facilités et les tarifs très bas consentis par les Messageries maritimes (800 francs aller et retour en première classe, 600 francs en deuxième classe) permettent aux organisateurs d'offrir, à leurs éventuels clients, le voyage à un prix forfaitaire très bas, 1 800 à 2 000 francs selon la classe choisie, comprenant tous les frais du voyage, la nourriture, les pourboires, les visites d'escale, etc.
Le programme dans sa partie malgache- car le voyage prévoit des escales le long de la côte orientale d'Afrique et aux Comores- est fort bien étudié. « Et l'on peut dire que de nos jours (en 1960), beaucoup de touristes qui visitent la Grande ile ne voient pas autant de choses et ne parcourent pas autant de kilomètres qu'ils n'en étaient prévus en 1909 » (Jean Valette, archiviste-paléographe).
Il est ainsi programmé de calmes et paisibles excursions (et non de rapides survols aériens) qui utilisent tous les moyens de transport dont on dispose alors à l'époque : caboteurs sur les Pangalana, chemins de fer, routes et pistes. « Les petites excursions auront lieu en ‘filanjana’ (palanquins) porté sur les épaules de quatre bourjanes, les moyennes en pousse-pousse, les plus longues en canonnières. Ces dernières sont celles qui ont pris part à l'expédition de 1895. »
L'itinéraire- le Sud est alors d'accès fort difficile- devra amener les touristes dans tous les endroits pittoresques et intéressants de Madagascar. D'abord par mer de Mahajanga à Toamasina, du 1er au 5 septembre, avec escale à Nosy Be et Antsiranana. Puis de Toamasina à Mahajanga en utilisant les moyens de transport disponibles, du 5 septembre au 2 octobre. Cette traversée de Madagascar d'Est en Ouest se fera de Toamasina à Antananarivo par les Pangalana (Toamasina-Manakara), le chemin de fer (Manakara-Fianarantsoa), « merveille touristique dont on ne se lasse pas malgré la longueur du trajet », et enfin la route.
Dix-sept jours seront alors réservés à la visite de la capitale où l'on envisage des courses hippiques à Mahamasina et une fête vénitienne sur le lac Anosy. Les environs immédiats de la ville ne seront pas oubliés puisque des visites seront organisées dans les hauts lieux historiques : Mahazoarivo, Tsarasaotra, Ambohimanga, Ilafy. « Nous retiendrons plus particulièrement les longues excursions à Antsirabe, Betafo (et sans doute Tritriva) dans le Vakinankaratra, ainsi qu'à Miarinarivo et les alentours du lac Itasy où une partie de chasse sera offerte aux amateurs. »
D'Antananarivo à Mahajanga, le voyage se fera également sur route jusqu'à Maevatanàna où est prévue la visite d'un placer et, de là, il y a la descente des vallées de l'Ikopa et de la Betsiboka. Au cours de cette descente, les chasseurs pourront exercer leur adresse sur les crocodiles, hôtes de ces rivières.
Puis ce sera Mahajanga et la visite des environs. Les heureux touristes y retrouveront leur paquebot, le 2 octobre, et s'embarqueront pour Antsiranana. « L'ascension de la Montagne d'Ambre sera le dernier souvenir qu'ils devraient conserver de la terre malgache, avant leur départ pour l'Europe. »
Ce programme élaboré, il reste à trouver les touristes. Une grande activité de publicité est entreprise auprès des sociétés coloniales et dans toute la presse française. Mais c'est en vain.
Malgré tous les efforts déployés, les conditions alléchantes, les quarante touristes ne sont pas trouvés. Le 9 août 1909, Victor Augagneur reçoit ce télégramme laconique : « Croisière abandonnée. »
Pela Ravalitera