PROGRAMME GÉNÉRAL DE L’ÉTAT - L’emploi face à de multiples défis

Plus de 70% des actifs vivent en millieu rural.

Madagascar adopte actuellement une ligne programmatique essentiellement basée sur la stratégie de réduction de la pauvreté. Dans ce contexte, l'emploi décent constitue la base de la vision du pays pour un développement inclusif.

Le Conseil des ministres du 17 janvier, largement consacré aux tenants et aux aboutissants du Programme général de l'État, a présenté les trois piliers du programme de développement du pays, au premier rang desquels le capital humain. Cette dernière concerne notamment l'éducation, la création d'emplois et la formation des jeunes.

Et pour concrétiser cette orientation, le gouvernement mettra l'accent sur différents programmes dont la mise en place de zones d'émergence industrielle, la poursuite de la création de petites et moyennes entreprises à travers le pays dans le cadre du projet One District One Factory (ODOF). . Cela signifie que le secteur de l'emploi est désormais au cœur de la stratégie de développement socio-économique du pays.

Un défi majeur à venir car chacun sait que le secteur de l’emploi à Madagascar se caractérise depuis des décennies par sa vulnérabilité. Près de 80 % de la population occupe des emplois précaires et non productifs. Le marché du travail accueille chaque année un demi-million de jeunes mais avec une faible employabilité, en raison de faibles niveaux d'éducation ou de l'inadéquation entre formation et emploi.

Une étude réalisée par le Dr Herinjatovo Ramiarison montre que seulement 5% des candidats parviennent à décrocher un emploi permanent et près de 70,6% des offres d'emploi ne trouvent pas de profils adaptés. D’où la multiplication des emplois précaires. « Les principaux défis résident donc dans la création d’emplois décents pour tous et dans l’augmentation de l’employabilité », affirme l’économiste.

A noter également que la corrélation entre chômage et éducation donne des tendances différentes selon le niveau. Les personnes sans éducation représentent en moyenne moins de 3 %, l'enseignement primaire se stabilise autour de 5 %, et les étudiants universitaires culminent à plus de 10 %. Par ailleurs, la situation de chômage et de sous-emploi met en évidence le principal défi économique auquel la stratégie pour l'emploi se fixe comme objectif de limiter le risque structurel et social qui pourrait être généré par l'ampleur du défi.Il est aussi important de noter qu’à Madagascar, il n’existe pas de véritable marché du travail unifié comme dans d’autres pays. Le marché du travail dans la Grande île est caractérisé par la superposition de segments de marché : rural (traditionnel et agro-industrie), informel, moderne (public et privé), temporaire. À l’intérieur de ces segments de marché, l’adéquation offre-demande se réalise difficilement, y compris pour l’emploi dit moderne. 

Le caractère rural de l’économie malgache détermine sa structure et son fonctionnement et le marché du travail en est fortement marqué. Toutes les composantes se déclinent à partir des éléments constitutifs du monde rural. L’agriculture représente de loin l’activité la plus répandue puisque 3 chefs de ménage sur 4 sont des agriculteurs. Et l’agriculture est l’affaire des moins instruits car un agriculteur sur trois est sans instruction. Cette situation est caractérisée par la faiblesse du taux de chômage en milieu rural (estimé à 2,5% contre près de 20 dans la capitale). Mais ce taux faible ne rend pas du tout compte de la réalité de sous-emploi généralisé.

Le sort des jeunes actifs

Une population jeune, à dominante rurale, est la caractéristique de la démographie qui détermine le marché de l’emploi à Madagascar. Une frange de la population qui vit dans des conditions difficiles puisque le taux de pauvreté en milieu rural où se trouve une grande majorité de la population totale est passé de 70% à plus de 80% en moins de 15 ans. Le poids des jeunes actifs est sensiblement important dans le secteur informel, avec plus de 30% des actifs de moins de 25 ans et un niveau d’étude moyen de 6,4 ans.

Ce qui explique l’état alarmant de la situation des jeunes dans la dynamique de la population face à l’emploi. Annuellement, plus de 80 000 jeunes avec un niveau de qualification très bas arrivent sur le marché de l’emploi. Les carences du système d’éducation et de formation se manifestent de manière exacerbée sur les jeunes primo-demandeurs qui ont souvent un profil inadapté par rapport aux emplois existants, notamment dans le secteur moderne. La population en âge de travailler représente 78% environ de la population totale du pays et dont l’âge moyen est de 21 ans. Sur l’ensemble du territoire, l’on constate une répartition inégale de cette population en âge de travailler.

L’insertion sur le marché du travail à Madagascar est très précoce surtout en milieu rural. Ce phénomène a été observé depuis plusieurs années dans le secteur non structuré par le fait que ce secteur a joué un rôle non négligeable dans l’absorption de la main d’œuvre excédentaire correspondant souvent aux actifs jeunes obligés d’accepter un travail peu productif dans une logique de survie. Dans la filière artisanat, par exemple, l’insertion des jeunes dans le monde actif s’opère de plus en plus précocement dans les travaux agricoles et d’élevage en milieu rural. 

La situation des jeunes sur le marché du travail est donc des plus préoccupantes car les jeunes sont les plus exposés au chômage, au sous-emploi et aux emplois de qualité inférieure. Plusieurs raisons expliquent le phénomène dont, entre autres, les limitations de l’accès au système éducatif devenant de sérieux obstacles à l’accès à l’emploi, les entreprises n’offrant pas aux chômeurs diplômés un emploi équivalent à leur qualification et étant contraints d’accepter des postes parfois en dessous de leur qualification... C’est d’ailleurs sur ces constats que l’Organisation internationale du Travail (OIT) sollicite la mise en place de l’agence d’intermédiation pour aider les nouveaux arrivés sur le marché du travail.

De son côté, la Banque mondiale fait remarquer que l’offre limitée d’emplois de qualité demeure l’un des problèmes les plus urgents pour Madagascar, pays à faible revenu confronté au défi de l’accroissement démographique. L’amélioration de la quantité et de la qualité de l’emploi est ainsi une priorité, en particulier pour les  dizaines de milliers de jeunes qui viennent grossir chaque année les rangs de la population en âge de travailler. 

En premier lieu, cette institution estime qu’associer la transition vers des économies plus vertes à la création de meilleurs emplois peut offrir un double dividende, pour l’environnement et pour les travailleurs. « La création d’emplois de meilleure qualité conjointement à l'atteinte de la neutralité carbone est une priorité dans de nombreux pays en développement où les activités productives sont à la fois préjudiciables à l’environnement et sources d’emplois mal rémunérés et précaires », souligne la Banque mondiale.

Le capital humain fait partie des piliers du plan de développement.

Des pistes pour avancer

Cette dernière estime en outre que les investissements dans les énergies renouvelables, par exemple, stimulent la demande d’emplois très qualifiés mais aussi de tâches peu qualifiées . Mais le passage à des emplois plus verts, de meilleure qualité et plus résilients, de même qu’une transition juste vers des économies bas carbone ne se font pas automatiquement. Ces processus prennent du temps et nécessitent des investissements dans les nouvelles technologies, le perfectionnement professionnel et l'accompagnement des travailleurs, tout en levant les freins à la demande de main-d’œuvre dans le secteur privé.

Le progrès technologique est devenu un moteur de transformation structurelle, ouvrant des perspectives de création de nouveaux emplois et d’augmentation de la productivité, selon la Banque mondiale. Grâce aux technologies numériques, le secteur des services peut jouer, à un stade plus précoce du développement économique, un rôle plus important dans la création d’emplois de meilleure qualité. La technologie numérique ouvre également la voie à de nouvelles possibilités dans le domaine agricole, en favorisant le développement durable de chaînes de valeur agricoles inclusives et en augmentant la productivité des petits exploitants. Elle génère également de nouvelles formes d’emploi liées à l’économie des plateformes, qui pourraient s’avérer attractives et accessibles aux jeunes travailleurs.

« La fracture numérique reste cependant importante dans de nombreux pays en développement, tant en termes d'accès que de capacité, et constitue un obstacle à leur transformation économique », reconnaît la Banque avant de souligner l'importance de l'accès des femmes. davantage d’opportunités économiques et d’emplois de qualité pour établir une croissance durable et résiliente. Malgré les progrès en matière d'éducation et de santé des femmes, les écarts entre les sexes persistent dans de multiples dimensions de l'emploi.

Pour lutter contre ces inégalités, Madagascar est appelée à mettre en œuvre des stratégies d’emploi soucieuses de la situation des femmes, fondées sur des diagnostics nationaux et en coordonnant l’action des pouvoirs publics avec celle des entreprises et de la société. civil. Ces stratégies doivent viser à éliminer les obstacles multiples et interdépendants qui entravent la participation des femmes au marché du travail, notamment leur accès limité à l'éducation et à la formation, l'absence de services de garde d'enfants, les préjugés culturels et les stéréotypes de genre, l'accès restreint aux actifs et les contraintes juridiques et réglementaires. inégalités.

Marché du travail
L’informalité domine toujours

Madagascar est appuyé par l’Organisation Internationale du Travail.

Le secteur informel continue de croître à Madagascar, en raison de la crise économique de longue date et des divers changements de politiques économiques et bouleversements institutionnels.
Le rôle du secteur informel, particulièrement axé sur la satisfaction de la demande intérieure, est devenu essentiel en tant qu’amortisseur des chocs sociaux et économiques. Son poids dans l’économie et dans les revenus des ménages, notamment parmi les plus démunis, représente une dimension essentielle qui doit être prise en compte dans toute étude sur l’emploi.
Le taux de salaire, mesurant le degré de formalisation des relations de travail, est déjà faible en général (plus de 50 % en milieu urbain), et l'est bien davantage dans le secteur informel où il est de 17 %. L'absence de toute protection devient la principale caractéristique des emplois proposés : contrat de travail oral, absence d'avantages ou de couverture sociale institutionnelle. Les catégories d'emploi informel prédominantes sont essentiellement celles des travailleurs indépendants et des aides familiales, les apprentis jouant un rôle marginal. La grande majorité des entreprises informelles sont constituées d’une seule personne (travail indépendant) et très peu emploient plus de trois personnes. Cependant, la taille varie selon l'activité, les entreprises de confection et de construction situées en zone urbaine étant en moyenne les plus grandes.
A noter également que les sources d'emploi temporaire sont diverses et se retrouvent principalement dans le secteur informel sur lequel très peu de données sont disponibles. Sont incluses dans cette catégorie les migrations saisonnières des travailleurs agricoles, notamment vers les plaines rizicoles du lac Alaotra et de Marovoay. En l’état actuel des sources sur l’emploi à Madagascar, seules les données sont disponibles sur l’emploi temporaire généré par les projets réalisant des travaux d’infrastructures, comme la démarche HIMO.
Ces projets ont institutionnalisé, formalisé et étudié les possibilités d'utiliser la création d'emplois temporaires comme instrument de lutte contre le chômage et le sous-emploi. Depuis leur développement à Madagascar au début des années 1990, les principaux programmes ont permis la création de milliers d'emplois par an. Les informations disponibles sur l'emploi résultant de ces projets portent généralement sur le nombre d'emplois créés et leurs objectifs spécifiques. Les données concernant les caractéristiques des allocataires et les conditions de travail sont rares ou partielles. Il apparaît cependant que le recrutement sur ces emplois ne nécessite généralement pas un niveau d’éducation et de qualification

VERBATIM


Hanitra Fitiavana Razakaboana, ministre du Travail et de la Fonction publique
 « Il existe de nombreux projets à réaliser dans le but de développer le monde du travail à Madagascar. Dans tous les cas, nous nous donnerons la main. Je suis prêt à collaborer avec tout le monde. La priorité est de promouvoir le travail décent. Nous allons également assainir les concours administratifs, numériser et décentraliser, notamment en matière d'équivalence.»

Moussa Oumarou Diallo, directeur général adjoint de l'Organisation internationale du travail (OIT)
« Le Programme Pays pour le Travail Décent est un cadre de partenariat stratégique signé avec l'Organisation Internationale du Travail qui permet à Madagascar d'agir de manière cohérente pour combler les déficits de travail décent et faire face à l'ampleur de l'emploi, aux conditions de travail précaires, au faible taux de couverture sociale. et la forte propension au travail des enfants engagés dans des activités économiques et dangereuses.


LE SECTEUR DE L'EMPLOI EN CHIFFRES

L'Express de Madagascar

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne