Lors des scrutins des 7 novembre et 20 décembre 2018, une MOE-UE (Mission d’observation électorale de l’Union européenne) était à l’oeuvre à Madagascar. Forte de 100 membres, elle revendique avoir couvert 21 Régions. Deux ans auparavant, du 28 septembre au 12 octobre 2016, l’Union européenne avait déployé une mission d’observation électorale à Madagascar, «en perspective des prochaines échéances électorales de 2018». Certainement pour assurer que tout soit mené dans les règles de l’art.
Pourtant, en introduction de son «Rapport final», cette MOE-UE 2018 ne craignait pas de conclure : «L’élection présidentielle (qui) s’est déroulée les 7 novembre et 19 décembre 2018 a été marquée par les contestations, suspicions et demandes d’annulation d’un collectif de, candidats invoquant notamment les imperfections de la liste électorale et les disparités de moyens utilisés par les candidats. En dépit de ces éléments, la Mission constate que le bon déroulement de l’élection et l’acceptation de ses résultats sont cruciaux pour la consolidation des acquis démocratiques».
Début 2014, en debriefing des scrutins des 25 octobre et 20 décembre 2013, un précédent «Rapport final», contenant pas moins de 31 recommandations, fut présenté publiquement. Une lecture croisée des deux documents ne permet de déceler ni continuité ni complémentarité : c’est comme si les observateurs de 2018 n’ont jamais eu connaissance des recommandations de leurs prédécesseurs de 2013. Il serait curieux de lire le «Rapport» de 2023, à l’aune de ces deux précédentes expériences.
Signalons un reproche, qui revient d’un document à l’autre, sans que celui de 2018 fasse référence à la «primo-délinquance» de 2013 (et qui va donc devenir une récidive dans le document de 2023), et qui pointe des «délais de recours trop courts» (Recommandation n°28/2013, Recommandation n°25/2018). L’allongement de ce délai permettrait de garantir un recours non seulement utile mais surtout efficace afin d’éviter un déni de justice. Ce qui, à l’échelle d’une nation, relève de la tragédie historique.
Au nom de la «consolidation des acquis démocratiques», après celles de 2013, 2018 et 2023 dûment documentées, combien d’autres élections présidentielles à Madagascar devront encore souffrir de lacunes, imperfections et anomalies tout en obtenant un quitus ? Les citoyens européens savent-ils qu’à Madagascar, leurs représentants cautionnent régulièrement des élections «en dépit de» et que malgré l’invocation, parfois fastidieuse, d’instruments internationaux mais surtout de bonnes pratiques en matière électorales, chaque conclusion des MOE-UE, finalement, ne fasse pas mieux que la déclaration des évêques de Madagascar : «On n’a pas le temps que tout soit parfait».
Nasolo-Valiavo Andriamihaja