Madagascar dans le Larousse 1935

J’ai déniché un «Petit Larousse» de 1935, avec copyright 1924, pour une impression en décembre 1934. Ce qu’on peut déduire des renseignements insérés dans les dernières pages : «Albert Lebrun a été élu Président de la République le 10 mai 1932», ainsi que la liste des sénateurs et députés membres du Parlement au 15 décembre 1934. 

Peut-on s’attendre à des développements encyclopédiques concernant Madagascar, dans un dictionnaire de 1935, c’est-à-dire au temps de colonies ? Sans doute que non, et d’emblée, il faut annoncer que les renseignements concernant Madagascar sont «décevants» pour un lecteur de 2023. Et ce, malgré la présence d’Henri Froidevaux (1863-1954) parmi les sept rédacteurs aux côtés du rédacteur en chef Claude Augé. En effet, Henri Froideveaux est l’auteur de nombreux textes sur Madagascar, s’étalant de 1896 aux années 1950 : Un explorateur inconnu de Madagascar au XVIIe siècle : François Martin ; Un voyage sur les lagunes de la côte orientale de Madagascar en 1666 ;  Les Portugais à Madagascar au XVIe siècle; Les aventures de Robert Drury à Madagascar au début du XVIIIe siècle ; Îles africaines de la mer des Indes (Madagascar) ; Vicariat apostolique de Fort-Dauphin et son exposition à Rome ; Madagascar du XVIe siècle à 1811...

Madagascar, donc, «grande île de la mer des Indes séparée de la côte d’Afrique par le canal de Mozambique. 3.600.000 habitants (Malgaches ou Madécasses). Les tribus malgaches les plus connues sont les Sakalavas et les Hovas». Selon un autre parti-pris, les Français ont délibérément choisi de désigner les Merina par le seul nom d’une des trois composantes. Pas de Merina donc mais des Hova : «une des races qui peuplent Madagascar. D’origine malaise, elle constituait, au moment de la conquête française, l’aristocratie de l’île». Dans la foulée, Imerina est renvoyé à Emyrne, que Jean-Joseph Rabearivelo fera cependant sienne.

Faute d’accès aux canaux de communication qui modèlent l’opinion, ne serait-ce que par le choix des mots et a fortiori des noms, nous n’avions pas pu éviter, par exemple, que dans des correspondances particulières, en 1882-1883, le Secrétaire d’État allemand aux Affaires étrangères donnant des instructions à l’ambassadeur d’Allemagne à Paris ou le même Secrétaire d’État rendant compte à l’Empereur Guillaume 1er, ne reprenne à son compte l’appellation «Hova». 

Quelques villes singularisées dans l’anonymat de notre situation depuis toujours un peu périphérique : «Tananarive ou Antananarivo, autrefois capitale du royaume des Hovas, située sur le plateau central de Madagascar, et aujourd’hui siège du gouvernement général de la colonie française  : 60.800 habitants. Les Français s’en emparèrent en 1895 ; Diego-Suarez (baie de) située au Nord-Est de Madagascar : 19.000 habitants. C’est un des meilleurs points d’appui maritime de la France (NDLR : les Britanniques l’avaient bien compris qui y débarquèrent en 1942) ; Majunga : ville et port du Nord-Ouest de Madagascar, à l’embouchure du Betsiboka. 17.800 habitants ; Fianarantsoa : ville de Madagascar, chef-lieu de la province du Betsileo. 11.000 habitants ; Tamatave : ville et port de Madagascar sur la côte Est, 9.470 habitants ; Fort-Dauphin : ville de Madagascar sur la côte Sud-Est de l’île. 2.000 habitants». 

Je me suis amusé à comparer l’apparition et la survivance de certains mots, entre le Larousse 1935 et le Larousse.fr d’aujourd’hui. En 1935, faisaient leur apparition : FILANZANE (avec illustration) : sorte de chaise légère, suspendue à deux barres que soutiennent sur leurs épaules quatre porteurs et qui sert au transport des voyageurs, surtout à Madagascar ; MAKI (avec illustration) : genre de mammifères lémuriens de taille médiocre, à longue queue, de Madagascar ;  RAVENALA (avec illustration) : genre de plantes de Madagascar, voisines des palmiers et des bananiers ; RAPHIA (avec illustration) : genre de plantes d’Afrique et d’Amérique, fournissant des fibres très solides ; TANGHIN : poison préparé avec l’amande d’une plante appelée tanghinia, et dont les Sakalaves empoisonnent leurs flèches.

Le Larousse en ligne a intégré entretemps d’autres mots malgaches : AMBREVADE (notre amberivatry) : Légumineuse cultivée des régions chaudes, fourragère, à la graine comestible, utilisée en sériciculture à Madagascar et donnant une laque en réaction à la piqûre d’un puceron ; 

AYE-AYE : Prosimien nocturne de Madagascar, en voie de disparition, gros comme un chat, doué d’une excellente audition et muni d’un long doigt adapté à la capture des insectes sous les écorces ; TENREC ou TANREC (malgache trandraka) : Mammifère insectivore de Madagascar et des Comores, couvert de piquants, nocturne, prédateur, hivernant dans un terrier pendant la saison sèche. Quant à LAVAKA («mot malgache signifiant trou, Ravin de forme généralement ovoïde et à parois abruptes, entaillant des manteaux d’altérites sous savane»), c’est un mot d’érosion tristement célèbre que nous avons l’honneur douteux de léguer au lexique environnemental universel. 

Les autres mots ont peu évolué dans leur définition : Filanzane (filanjana) : «Autrefois, à Madagascar, chaise à porteurs qui servait au transport des voyageurs» ; Ravenala : (ravinala) «Nom générique de l’arbre du voyageur, musacée de Madagascar, aux feuilles en éventail retenant l’eau de pluie» ; Raphia (rofia) : «Palmier africain et malgache, fournissant une fibre textile ; cette fibre dont on fait des cordages, des tissus d’ameublement, des brosses, etc».

À propos du raphia ou rofia, on fera arbitrer le lexique CNTRL (Centre National de ressources Textuelles et Lexicales). Il en donne cette définition : «Palmier à tige forte et à feuilles très longues, comprenant un grand nombre de variétés, qui croit dans les régions tropicales et notamment à Madagascar» avec les occurrences successives du mot : raphia (Challan, Vocabulaire malgache distribué en deux parties, 1773) ; raffia (G. Le Gentil de La Galaisière, Voyage dans les mers de l’Inde, 1781) ; raphia, roufia (P. Sonnerat, Voyage aux Indes orientales et à la Chine, 1782) ; rofia (Richardson, A new Malagasy-English Dictionnary, 1885). 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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