Ambatomanga, dans le vakinadiana, a été le village-frontière entre l'Imerina et le pays de Bezanozano |
Quand le prince Ratefy rentre à Madagascar, après son séjour londonien de 1821, il reprend son existence de courtisan et soldat. Non sans quelques déboires, comme le souligne Raombana, historien et l'un des secrétaires particuliers de la reine Ranavalona Ire.
En effet, en 1823, Radama Ier lui confie le commandement de l'armée merina en route vers Diego-Suarez. Mais n'ayant pu éviter un accrochage avec les Betsimisaraka en chemin, il se voit « dégradé » par le souverain et perd « un honneur ».
Néanmoins, quelque temps après, il n'en reçoit pas moins la très haute charge de « Gouverneur de Tamatave » qu'il occupe toujours en 1828. Cette nomination, selon Raombana, s'explique par la
grande connaissance des étrangers que Ratefy a acquise depuis son voyage en Angleterre. Entretemps, sa femme Rabodosahondra, sœur du roi, restée à la Cour d'Imerina, commet un crime et est exilée à quelques kilomètres de Toamasina.
Les auteurs expliquent à leur façon les raisons de cette déchéance. Pour certains, comme le R.P Callet, Radama Ier aurait envoyé sa sœur aînée à Ambohiboahazo « parce qu'elle était devenue alcoolique ». Pour d'autres, comme Raombana, « c’est plutôt parce qu'elle avait accordé ses faveurs à un roturier ». D'après Raombana, « le roi était contrarié au plus haut point, elle devait être enfermée à Ambohiboahazo et surveillée par des soldats dépêchés de Tamatave ».
Puis arrive la tourmente de juillet 1828. Toujours d'après Raombana, Ranavalona Ire qui accède au trône, ordonne l'exécution du prince Rafaralahindriantiana, gouverneur de Foulpointe, et de la princesse Rabodosahondra. Le corps de cette dernière est ramené en Imerina pour être inhumé à Tanjondroho, dans le Marovatana. La reine fait annoncer à ses sujets qu'elle a succombé au paludisme, à Ambohiboahazo.
« La reine ne voulait pas révéler que Rabodosahondra avait été assassinée, car elle n'avait déjà fait que couler trop de sang et craignait d'encourir la disgrâce populaire si l'on venait à apprendre qu'elle avait, encore une fois, mis à mort un membre de la famille de Radama. »
Toujours selon Raombana, c'est ce sentiment qui la retient de faire tuer Ratefy à Toamasina, de la même façon que le prince Rafaralahy à Foulpointe. Après la mort de Rabodosahondra, ses exécuteurs se portent à Toamasina et arrêtent son époux qui n'a jamais soupçonné qu'on le traiterait ainsi. Car « s'il était de haute caste noble, il n'appartenait pas, cependant, à la famille royale de Radama, ne lui étant allié que par mariage ».
Sous escorte, il est conduit en Imerina. À son arrivée à Ambatomanga, un village à l'est de la capitale, Ranavalona envoie au-devant de lui de nombreux officiers pour le traduire en jugement « sous l'inculpation indigne d'avoir déserté sa garnison de Tamatave et gagné l'Imerina, dans le but d'aider la fille de Radama (Raketaka ) et son propre fils (Rakotobe) à s'emparer du trône!... »
Les gradés militaires, précise Raombana, n'ignorent pas que cette accusation est erronée, mais ils savent aussi qu'on ne la porte contre le prince que pour pouvoir le supprimer. « Surtout pour que la masse du peuple pût s'imaginer qu'on l'avait exécuté en bonne justice et nullement parce qu'il était l'époux de Rabodosahondra et le père de Rakotobe. »
Ratefy est surpris de cette accusation et réplique qu'il est resté à Toamasina, d'où officiers et soldats l'ont arraché. « Quand on lui rapporta ces paroles, Sa Majesté sans hésitation envoya deux bourreaux à Ambatomanga pour mettre à mort le prince. Ce qui fut fait le même jour. Elle consentit à ce que le corps fût porté en Imamo pour y être enseveli dans le tombeau de ses ancêtres... » L'annonce de son exécution au peuple se fait le lendemain.
Le prince Ratefy était très riche. D'après Raombana, il a possédé deux mille esclaves. À l'exception d'un petit nombre accordé à sa fille Rasoananahary, « ils furent tous distribués aux parents indigents de Sa Majesté, à ses amants et autres favoris... » De l'immense fief du prince, seule une toute petite portion est remise à sa fille ; la plus grande part en est distribuée aux neveux de la reine, les princes Ramahatra et Ramonja (frères de l'héritier présomptif Ramboasalama, à la place duquel d'ailleurs Ranavalona préfèrera bientôt son propre fils Rakoto, futur Radama II) et à sa nièce la princesse Ramoma, future épouse de son fils auquel celle-ci succèdera au trône sous le nom de Rasoherina.
S'il a voulu, souligne Raombana, le prince Ratefy aurait pu s'enfuir à Maurice par l'entremise d'un marchand anglais Reddington. Ce dernier lui fait savoir les nouvelles de la Cour, telles le décès du roi, le meurtre de son épouse et de son fils. Il lui annonce aussi que des officiers sont en chemin pour Toamasina pour des raisons non expliquées, certes, mais il le presse de s'enfuir sur l’un des navires à bétail sur le point de mettre les voiles. Mais Ratefy se croit en toute sécurité. Mal lui en prit.
Pela Ravalitera