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Et comment convaincre à expliquer enfin, après un gros titre «La Commune, une véritable école de démocratie», que si «le Maire et ses adjoints sont toujours élus», «la Commune de Tananarive est soumise à un régime spécial. C’est un Délégué Général du Gouvernement, qui est en même temps Préfet de Tananarive, et non un Maire, qui est à la tête de l’administration municipale» (page 12). Dix ans après le référendum du 28 septembre 1958, convoqué par le général de Gaulle, on n’avait manifestement toujours pas oublié que «Tana» avait voté NON. Tana, déjà la frondeuse.
Un mot municipal particulièrement galvaudé, ces temps-ci, est «permis de construire». En 1970, il relevait de la «subdivision des permis de construire et de voirie» : délivrer les permis de construire parce qu’il est interdit de construire une maison sans autorisation ; autoriser les branchements d’eau ou d’égouts ; autoriser l’ouverture de nouvelles salles de spectacles (NDLR : à l’époque, il s’agissait de cinémas ; de nos jours, après les «salles vidéos» de douteuse programmation, on pense aussitôt aux karaoke et leurs décibels dissonants de jour comme de nuit), de postes de distribution d’essence, d’installation d’établissements industriels. À ses côtés, la subdivision du «nettoiement» était responsable de la propreté des marchés, rues et sentiers publics ; effectue l’enlèvement des ordures ; s’occupe de la vidange des fosses (W.-C.) et du transport des tinettes. Pour ces dernières, elle utilise la main d’oeuvre pénale : enfant et spectateur surplombant cette rue Jean Andriamady, petit canyon flanqué de hautes falaises de «rarivato», j’avais vu de ces pauvres diables transporter leur cargaison pestilentielle jusqu’à un camion-réservoir garé au pied d’escalier altier, témoin impassible mais difficulté impitoyable de leur punition.
Ces élèves de 1970, qui étaient invités à effectuer une «visite au Musée du Palais de la Reine» en guise d’exercices pratiques (page 56), ne pouvaient évidemment pas se douter qu’un effroyable incendie embraserait un jour le Rova d’Antananarivo. Trente ans auparavant, on pouvait tranquillement parler du corps des sapeurs pompiers de Tananarive : «il se compose de 81 officiers, sous-officiers et sapeurs. Une section de sapeurs-pompiers stationne au centre de la ville, à Tsaralalàna, une autre dans le haut de la ville et une troisième un peu en dehors, à Ambohimanarina» (page 30). Si la section d’Ambohimitsimbina-Ambohipotsy avait toujours été aussi opérationnelle, qu’à l’époque de ce livre, l’incendie du 6 novembre 1995 aurait été rapidement circonscrit. Regrets éternels.
Quelque part, à la page 30, les auteurs ont inséré un paragraphe aux bien modestes ambitions : «Le désir profond de tout citoyen est de pouvoir vivre tranquillement à l’abri des malfaiteurs, des incendies ou inondations, des animaux dangereux. Il aime habiter une maison simple et saine, circuler sans trop de gêne dans les rues et marchés. Après la visite des membres de la famille ou du tombeau ancestral à la campagne, il aime se promener dans les parcs et jardins de sa ville ou assister à des compétitions sportives».
On pourrait ajouter aux animaux dangereux des voisins humains envahissants par leurs nuisances sonores bluetooth ou les excroissances hors alignement de leurs bâtis sans permis de construire ; substituer aux désormais rares visites à la famille (vivante comme décédée) la flânerie dans une bonne librairie si elle existait d’autant plus que les cinémas ont été remplacés par des églises évangéliques ; remplacer volontiers les compétitions sportives et les risques de débordement concomitant aux mouvements de foule par une agréable parenthèse autour d’un bon verre ou d’un plat original.
Comme il existe des distances en années-lumière, je viens de réaliser que le développement de Madagascar a emprunté une voie de travers dont la distorsion, par rapport à l’orthodoxie de cette Instruction civique, se mesure aux cinquante ans perdus depuis les années-collège.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja