L’église catholique de Saint-Augustin. |
Début 1845. Après de longues discussions, l'envoi d'une mission des pères jésuites à la baie de Saint-Augustin, dans le Sud-ouest, est décidé. Composée du préfet apostolique Dalmont, des pères Cotain et Deniau, du frère Remacle et du père Monnet, curé de Saint-Paul de La Réunion, la mission embarque à Saint-Denis sur le Voltigeur et arrive dans la baie, le 17 juin.
À une vingtaine de kilomètres au nord, se trouve le village de Tolia devenu Toliara. Dans les mois qui suivent, la mission s'étoffe par l'arrivée des pères Neyraguet et Teyssier.
Cette mission aboutit à un échec, selon les pères de la Vaissière en 1884, et Adrien Boudot en 1942. La population bienveillante au début, devient hostile. En effet, elle considère finalement les missionnaires comme des espions venus pour étudier le pays et préparer les voies de l'invasion. Les jésuites dont la vie est menacée, doivent s'embarquer, le 23 octobre, sur le « Jeune-Laure » qui appartient à un traitant de Bourbon. Ils arrivent dans cette ile, le 9 novembre.
Dans une des deux lettres qu'il adresse à un prêtre jésuite qu’il ne nomme pas, le 7 septembre et le 12 novembre 1847, Romain Marie-Joseph Deniau essaie d'expliquer les causes qui ont fait échouer l'expédition missionnaire dans le Sud-ouest malgache. Il les résume en quelques points, sept exactement. Selon lui, les Sakalava sont un peuple très défiant. « Notre arrivée chez eux sur un navire de guerre leur a paru suspecte. De plus, la réclamation de trois ou quatre transfuges, devenus chefs de tribu et amis de King-Baba, n'était pas de nature à le prévenir en notre faveur. »
À la fin du XVIIe siècle, les rades de Saint-Augustin et de Toliara sont fréquentées par les baleiniers américains qui viennent pêcher dans le canal de Mozambique. Les autochtones prennent, vis-à-vis des Européens, les titres et noms que leur donnent, plus ou moins ironiquement, les Américains, notamment celui de King Baba qui est, pendant très longtemps, l'apanage du chef de Saint-Augustin. En 1845, King-Baba s'appelle, de son vrai nom, Marotoetsa.
La deuxième raison donnée par le père Deniau est que plusieurs navires marchands de différentes nations, apparus sur les côtes, desservent les missionnaires français. « Les uns en disant aux insulaires que la France voulait faire la conquête du pays et que nous étions des espions, les autres par leurs paroles irréligieuses et leur conduite libertine. »
On ne peut non plus oublier que les habitants de la baie de Saint-Augustin ont été l'objet d'une manœuvre déloyale à laquelle ont participé des Français. Le navire le Voltigeur- celui-là même qui a amené la première mission- transporte un détachement merina et vient mouiller dans la baie. Plusieurs chefs sakalava et mahafaly montent à bord sans méfiance, mais le navire appareille à leur insu et les emmène prisonniers au fort Dauphin, d'où ils sont conduits à Antananarivo.
« On comprend dans ces conditions que les Sakalava pouvaient avoir un certain ressentiment contre les Français » (Raymond Decary).
Troisième cause: l'affaire de Toamasina bombardée, le 15 juin 1845 (Guillaume Grandidier « Histoire politique et coloniale », Tome I). « Depuis ce bombardement et ce qui s'ensuit, le gouvernement de Bourbon dispose qu'aucun navire chargé de munitions de guerre ne pouvait sortir de ses ports. » Ce qui, selon le père Deniau, « privait King-Baba et ses sujets de ces sortes de marchandises qu'ils trouvaient abondamment tous les ans sur les navires français ». Cette mesure les confirme dans leurs craintes et les pousse davantage « à ajouter foi aux paroles malveillantes que la jalousie, où l'esprit national inspirait aux commerçants des autres nations ».
Le 28 septembre, la case des missionnaires jésuites est détruite après que des malfaiteurs les ont détroussés. « Les voleurs de notre argent, voyant leur cupidité satisfaite, connaissant, d'un côté, que nos ressources étaient épuisées et craignant, de l'autre, que si notre séjour dans l'ile se prolongeait, les auteurs du méfait ne fussent connus et punis, n'ont rien négligé pour nous dégoûter de Tolia et ont fini, par leurs machinations secrètes, par soulever contre nous ce déluge de sauvages qui ont renversé notre case. »
Le père Deniau reste pourtant serein. «Un triste événement a détruit le fruit de nos travaux et semblerait même avoir renversé toutes nos espérances, si nous ne savions pas que le fondement des grandes missions a presque toujours été le martyre ou, du moins, la persécution. »
Pela Ravalitera