Cri muet

Entrer dans cette nouvelle semaine et fermer les yeux sur l’incontournable sujet qui a mis le feu aux poudres de la précédente est encore difficile, tant les impacts des explosions sont encore très présents. Le titre de gagnant a deux prétendants qui ont chacun raison : celui qui devrait donc rempiler pour un second mandat, qui a vaincu sans péril grâce, en grande partie, à l’appel au boycott suivi par une frange importante de l’électorat, qui a contribué au triomphe de l’autre champion : l’abstention. Mais la force du boycott, qui peut être productif quand il s’exprime, pourra-t-elle démontrer son efficacité pour ce chapitre important, ce clou du spectacle politique de l’année 2023 ?

Les larmes, générées par l’injustice et l’iniquité, ont souvent inspiré des actions passives susceptibles de faire basculer le cours des événements. C’est ainsi qu’après avoir vécu le douloureux enlèvement de sa fille Perséphone par Hadès, la déesse Déméter a fait participer les fruits de la terre à son chagrin. Zeus a alors décrété que Perséphone serait aux côtés de sa mère une grande partie de l’année, celle de l’épanouissement des végétaux, 

et une autre partie avec Hadès, celle de l’hiver. Ce boycott des plantes a ainsi, selon ce mythe, bouleversé à jamais la nature qui vit désormais au rythme des saisons. Si ce récit peut être interprété comme une apologie du boycott, qui peut réparer les torts qu’on nous fait subir, cette potentielle fonction de justicier 

est-elle toujours efficace ?

L’histoire est, certes, garnie d’épopées triomphantes du boycott, portées par des héros qui ont à jamais inscrit leurs noms dans les chants glorifiant ces grands personnages. Parmi eux, Mohandas Gandhi qui a conduit le boycott des produits britanniques, affaiblissant ainsi l’économie de l’empire colonial et ouvrant un peu plus la voie à l’indépendance de l’Inde. Ou encore Martin Luther King qui a dirigé le boycott des bus de la ville de Montgomery après la triste arrestation de Rosa Parks, qui a refusé de céder sa place à un homme blanc. Un mouvement qui s’est soldé par l’avènement de réformes abolissant la ségrégation raciale dans les transports publics. Est-ce que le boycott électoral, qui a eu lieu chez nous, emboîtera le pas à ces exemples historiques ? Cela reste incertain.

Posons la question : à qui a profité ce boycott ? Les réponses peuvent diverger, mais pour l’instant, il a contribué à une victoire facile, sans risque et écrasante dès le premier tour. Le boycott portera-t-il ses fruits ou restera-t-il, comme le boycott des propriétaires agricoles par les protagonistes du roman Les raisins de la colère (J. Steinbeck, 1939), un simple fait sans grande signification et dépourvu de la précieuse vertu qui souffle ce vent tant recherché du chamboulement ? Les pages restantes de cette histoire politique pourraient peut-être encore révéler des rebondissements surprenants. Seul l’avenir détient les réponses à nos interrogations.

Fenitra Ratefiarivony

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne