Crétinisme

Il faut avoir un courage hors norme pour oser faire une telle déclaration sans risquer de heurter les fibres sensibles des prétendus chrétiens. Le cardinal Désiré Tsarahazana n’y est pas allé par le dos de la cuillère en fustigeant les chrétiens qu’il accuse ouvertement d’être en partie responsables de cette pauvreté chronique de la population. Un cheveu dans la soupe à un moment où l’on parle de supprimer la laïcité de l’État.

Le cardinal a dit tout haut ce que beaucoup susurrent un peu partout. Le constat du cardinal est simple. Les chrétiens sont partout, dans toutes les institutions, dans les organes de décision, dans les associations, dans les clubs de service, dans le milieu éducatif, dans les sociétés et entreprises... mais le pays n’arrive pas à se développer. En outre, ces dernières années, la liberté de religion a provoqué une prolifération de nouvelles églises où les prières se concrétisent plus vite et où les miracles sont une réalité.

L’Église est ainsi devenue un refuge par excellence pour paraître croyant et homme de Dieu aux yeux de la population. Les politiciens savent très bien que les deux tiers des électeurs sont des chrétiens et votent les yeux fermés. Et les dirigeants ne ratent jamais d’honorer les grands événements religieux, quitte à afficher des mines empreintes de dévotion et de conviction. La chrétienté est un gage de notoriété et de crédibilité pour la population.

 La fréquence des prières est devenue quotidienne et tous les examens, les matchs de foot, les élections aux postes politiques internationaux font immanquablement l’objet d’un culte pour demander la faveur de Dieu pour la victoire et demander toute sa miséricorde pour éliminer l’adversaire.

Mais au lieu de monter au paradis comme Ratsiraka en rêvait, le pays continue inexorablement sa descente aux enfers. Les dirigeants, de la base au sommet, se cachent derrière un bouclier religieux pour se munir d’impunité dans les trafics, les détournements de fonds, le blanchiment de capitaux et tous les genres de corruption.

 Le cardinal a souligné ce qui est devenu une évidence depuis plusieurs années et que tout le monde constate avec l’impuissance d’un citoyen dépouillé de sa dernière dignité, réduit à la résignation et à la fatalité.

L’Église a même failli à sa mission de gardienne de la morale et de garde-fou populaire à en juger par l’amplification de la criminalité et des meurtres en série. Quand les prisons sont surpeuplées, c’est que les dix commandements sont devenus juste une récitation. Au point que l’on s’approche plutôt du crétinisme.

 Sylvain ranjalahy

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