Accusés du meurtre de Rasazy Narindra, l’ex-PDS de Mangataboahangy, district d’Ambatofinandrahana, et deux autres individus ont été condamnés hier à Anosy.
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| L’ex-PDS de la commune de Mangataboahangy (au centre) et les deux autres accusés condamnés à vingt ans de travaux forcés. |
Le procès de l’assassinat présumé de Rasazy Narindra, sage-femme récemment élue maire de Mangataboahangy, s’est conclu hier dans une salle comble du Palais de Justice d’Anosy.
Dix-huit accusés ont comparu de 10 h 40 à 18 h, mais c’est la condamnation de l’ancien président de délégation spéciale (PDS) de la commune qui a retenu l’attention.
Selon les réquisitions téléphoniques versées au dossier, l’ex-PDS aurait échangé des messages évoquant une possible « élimination » de Rasazy Narindra, nouvellement investie maire, dans le but de conserver son poste. Ces éléments ont pesé lourd dans la balance judiciaire, malgré l’absence de preuves matérielles directes. L’accusé nie toute implication et affirme avoir été contraint sous la torture à reconnaître les faits.
Le climat politique tendu à Mangataboahangy a alimenté les soupçons. L’arrivée de Rasazy Narindra, perçue comme porteuse d’un assainissement administratif, aurait bousculé certains intérêts. Le procès a exposé une mosaïque d’hypothèses : jalousies, rancunes, enjeux miniers, ambitions contrariées. Mais aucun mobile n’a pu être formellement établi.
Projets
Outre l’ex-PDS, deux autres hommes ont été condamnés : un habitant de la commune et un détenteur d’arme interpellé après une tentative d’achat de munitions. Un témoin les aurait vus circuler à moto vers le lieu de l’embuscade. Les quinze autres accusés, dont le frère de la victime, ont été acquittés au bénéfice du doute.
« Je n’ai jamais eu dans ma tête l’idée de tuer ma sœur pour prendre sa place », a déclaré le frère de Rasazy Narindra, soupçonné d’avoir proposé de devenir PDS après le drame. Sa défense a plaidé la continuité des projets de la défunte, qu’il souhaitait poursuivre.
Le 21 février 2025, Rasazy Narindra voyageait à bord d’un taxi-brousse Toyota Land Cruiser avec sept autres passagers. Après une panne et plusieurs arrêts, le véhicule a été pris en embuscade à Ambavalozakely vers 16 h.
Cinq hommes à visage découvert ont ouvert le feu depuis un bloc rocheux. Une balle a traversé le pare-brise et atteint la victime à la tempe gauche. Le conducteur, blessé, a tenté de fuir, mais le véhicule s’est enlisé un kilomètre plus loin. Les passagers ont pris la fuite à pied vers le village le plus proche, sauf une femme âgée restée cachée près du corps.
Parmi les accusés figuraient plusieurs personnalités locales : le frère du député d’Ambatofinandrahana, maire de Mandrosonoro ; son assistant parlementaire ; sa conseillère technique ; un catéchiste catholique ; le chauffeur du 4x4 ; un autre transporteur ; une secrétaire de la direction régionale de l’Environnement ; deux détenteurs d’armes ; un enseignant ; le chef de ZAP ; un certain Ernest, dénoncé sans lien établi ; le mari de la belle-sœur de la défunte ; un gardien ; un secrétaire communal ; et le frère de Rasazy Narindra.
Malgré la diversité des profils, les preuves tangibles ont cruellement manqué. Les débats contradictoires, le réquisitoire de l’avocate générale et les plaidoiries de la défense ont souligné l’absence de certitudes.
La mère de la victime, qui n’a pas poursuivi son fils, avait demandé deux milliards d’ariary de dommages et intérêts. La Cour a ramené ce montant à cent millions d’ariary. Le tribunal a ordonné la restitution des téléphones des accusés et de l’arme légale, ainsi que la destruction de l’arme illégale.
La salle d’audience, bondée, était en grande partie composée de proches des accusés venus d’Amoron’i Mania. Chemises repassées, polos soignés, visages rasés de près : les prévenus affichaient une tenue respectueuse. Leurs familles, debout face aux jurés, leur ont apporté eau, biscuits et bonbons tout au long de l’audience. À l’énoncé du verdict, les larmes, les cris de joie et les embrassades ont envahi le prétoire.
Un incident est toutefois venu ternir la séance : les téléphones et la montre de trois journalistes, soupçonnés d’avoir enregistré les débats, ont été confisqués par la procureure générale avant d’être restitués.
Haja Léo
