CORRUPTION DANS LES PRISONS - Des familles de détenus affirment payer un “loyer”

La corruption persiste en prison. Des familles de détenus dénoncent le paiement de sommes présentées comme un “loyer” dès l’entrée en prison.

Des familles de détenus à la prison d’Antanimora.

De l’argent pour un confort inexistant. Des familles de détenus à la maison centrale d’Antanimora affirment avoir versé de l’argent pour le confort de leurs proches en prison. “Deux de mes enfants sont emprisonnés ici depuis le mois de septembre. À l’entrée, on nous a demandé de payer 300 000 ariary pour chacun d’eux, si on ne veut pas qu’ils dorment dans des chambres communes. Notre surprise a été grande lorsqu’ils nous ont appris, lors de notre première visite, que, malgré cette somme versée, ils dorment à l’étroit dans une salle avec cent autres personnes”, témoigne une septuagénaire venue apporter de la nourriture à ses enfants, hier. Plusieurs personnes rencontrées dans le chalet d’attente à l’entrée de cette prison affirment avoir payé “un loyer” lors de l’entrée de leur proche en prison. Certains disent s’être acquittés de 300 000 ariary, d’autres de 200 000 ariary. “En plus de cette somme, nous versons 1 000 ariary par jour pour le coût de l’eau et de l’électricité. Si nous ne payons pas cette somme, nos proches sont envoyés nettoyer des canaux très sales ou faire d’autres corvées”, lance Florence, sœur d’un détenu.

L’administration pénitentiaire note qu’il n’y a pas d’argent à payer pour l’hébergement des nouveaux détenus. “Nous avons un système d’emprisonnement en commun, sans possibilité de chambre individuelle. Donc, soit c’est du mensonge, soit les personnes qui leur ont demandé cette somme ont profité de leur vulnérabilité pour leur soutirer de l’argent. Ces personnes ne sont pas forcément des agents pénitentiaires”, lance un responsable auprès d’une prison.

Ignorance

Les 1 000 ariary, par contre, il en admet l’existence, “mais c’est un accord entre les détenus et non une mesure dictée au niveau de l’administration pénitentiaire. Il y a des organisations à faire au niveau de chaque quartier, comme le nettoyage, la lessive, et ceux qui ne veulent pas faire ces corvées payent d’autres détenus pour les faire à leur place”.

Une enquête menée par la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH), dont les résultats ont été publiés en 2023, a révélé l’existence de corruption en milieu carcéral. Le montant des pots-de-vin varierait de 100 à 2 600 000 ariary, selon les services obtenus. D’après les informations recueillies, des détenus paient un montant à partir de 100 ariary pour accéder à l’eau potable et aux toilettes, de 1 200 à 18 000 ariary pour le droit de visite privée, 15 000 ariary pour l’apport de nourriture. Et pour obtenir une liberté provisoire, il faut débourser jusqu’à 2 600 000 ariary. « En général, l’ignorance de leurs droits, tant chez les détenus que chez leurs familles durant la détention, favorise la corruption dans les établissements pénitentiaires », avait souligné la CNIDH à l’époque.

La ministre de la Justice, Fanirisoa Ernaivo, lors de sa visite à la prison d’Antanimora, lundi, a demandé aux détenus d’informer leurs proches qui viennent leur rendre visite, leur apporter des affaires, de la nourriture ou d’autres objets, qu’ils ne doivent pas payer pour cela. “C’est votre droit.”

Miangaly Ralitera

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