On subodorait les senteurs des galons, on avait entraperçu le scintillement des étoiles, mais tous les pronostics ont été déjoués. Si la situation nécessitait la poigne d’un militaire pour remettre les choses à leur place, les bookmakers ont été bluffés. Le nouveau patron de Mahazoarivo et de l’Exécutif est bien un officier général, mais son nom n’avait pas été repéré par les radars. Le général Zafisambo Ruphin Fortunat, nouveau Premier ministre, évolue cependant en terrain connu à la primature où il était directeur de cabinet militaire de son ancien patron avant sa nomination.
Mais il est loin d’être en terrain conquis. L’opinion a presque oublié qu’il s’agit du fils d’une illustre figure du PSD, Parti social-démocrate, d’un ancien ministre de l’époque de Ratsiraka, d’un ancien ambassadeur en Italie. Mais son cursus exceptionnel démontre qu’il ne s’est pas contenté d’hériter du nom de son paternel. Loin s’en faut.
Maintenant, le défi qu’il a accepté de relever est de régler tous les problèmes en six mois. Un pari immense puisqu’il va devoir réussir dans ce laps de temps là où son prédécesseur a échoué en sept ans.
Reste à savoir s’il a carte blanche pour réaliser le plan qu’il a échafaudé afin de résoudre la crise et d’obtenir des résultats. Il faut dire que de tout temps, les Premiers ministres n’ont jamais eu les moyens de leurs ambitions et ont fini par se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes. Christian Ntsay a commencé son mandat avec de bonnes intentions en imposant des mesures administratives comme l’obligation de mettre une plaque rouge pour les voitures officielles, en instaurant une discipline de fer pendant le conseil du gouvernement, en tentant des négociations de révision des contrats des prestataires de la Jirama… Il a fini par abdiquer et subir le système.
Lors des derniers remaniements, les ministres ont prêté serment et présenté leur programme, mais il y en a pas mal qui sont partis sans avoir pu rien changer, faute de moyens.
Le nouveau Premier ministre aura-t-il donc tous les moyens pour gagner ce challenge ? Aura-t-il toutes les latitudes pour former son équipe ? Les premières nominations de trois membres du gouvernement hier ne permettent pas encore de conclure quoi que ce soit, même si le nouveau ministre de la Sécurité publique et celui des Forces armées semblent avoir satisfait l’opinion.
À y voir de près, le nouveau Premier ministre a plutôt affûté ses armes sur les bancs des universités que dans les champs de bataille pour décrocher son grade. A-t-il alors les épaules assez larges pour supporter le poids des diverses pressions venant de toutes parts ?
Ce qui est sûr, c’est qu’elles sont plus lourdes que les étoiles qui signifient un parcours du combattant réussi. Cette fois, on lui donne six mois pour en faire autant qu’en trois décennies d’études, d’expérience et de responsabilité. À vos ordres, mon général.
Sylvain Ranjalahy