Le député Issa Charles Ibrahim relance la question sensible des stocks de bois de rose. Le Haut conseiller de la Refondation, le lieutenant-colonel Gervais Andriamiarisoa, a évoqué une possible mise en vente, actuellement à l’étude.
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| (De g. à dr.) La ministre du Commerce et de la Consommation, le Haut conseiller de la Refondation et le vice-président de l’Assemblée nationale, à Sambava, vendredi. |
À l’étude. À entendre les propos du lieutenant-colonel Gervais Andriamiarisoa, Haut conseiller de la Refondation, l’État envisage de mettre en vente les stocks de bois de rose du pays. L’étude de faisabilité de cette éventualité est confiée conjointement à la Primature et au ministère de l’Environnement et du Développement durable, ajoute-t-il.
«L’État, dirigé par le colonel Michaël Randrianirina [Chef de l’État], est en train d’étudier la question. La raison est que plusieurs d’entre vous sont déjà venus au palais d’État d’Iavoloha pour formuler des doléances sur ce sujet. Nous sommes un État de droit (...) la Primature et le ministère de l’Environnement sont déjà en train d’étudier ce que l’on va faire des bois de rose. (...) Si c’est faisable, nous allons les vendre suivant les règles, sans malversations et en toute transparence (...)», a déclaré le Haut conseiller Andriamiarisoa dans une allocution, en ouverture d’un atelier sur la vanille, à Sambava, vendredi.
Ces propos ont été en réponse à une demande faite par le député Issa Charles Ibrahim, vice-président de l’Assemblée nationale. Ayant également pris la parole en ouverture des débats sur la vanille dans la capitale de la région SAVA, le parlementaire a relancé le dossier brûlant des stocks de bois de rose. Affirmant porter la voix des habitants de la province d’Antsiranana, dont il porte le titre de vice-président au perchoir de la Chambre basse, il lance: «Ils m’ont chargé de vous faire passer un message. Celui de voir ce que vous pouvez faire au sujet des bois de rose».
L’argument mis en avant par le parlementaire est que «plusieurs sont les bois qui sont déjà coupés, éparpillés et stockés un peu partout. Ce serait une perte pour l’État si on les laisse pourrir sur place». Ayant été évoqués à maintes reprises il y a quelques années, les appels à une mise en vente de stocks de rondins de bois précieux dont dispose le pays se sont tus depuis un certain temps. Un silence qui s’explique par l’intransigeance de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Afin de stopper l’hémorragie de trafic qui a mis à mal l’écosystème des forêts humides du pays, la CITES a imposé un embargo sur l’exportation des bois précieux malgaches. Outre le bois de rose, le palissandre et le bois d’ébène sont également concernés par cette mesure qui est toujours en vigueur jusqu’à l’heure. Depuis, même l’usage domestique, au niveau national, de ces bois précieux est strictement réglementé.
Depuis le début de cette période transitoire, l’idée de mettre en vente les stocks de bois de rose «afin de renflouer les caisses de l’État» est martelée par un courant au sein de l’opinion publique. Les précédentes administrations étatiques ont également déjà eu dans l’idée de mettre en vente les rondins entreposés au lieu de les laisser pourrir sur place.
Conditions préalables
En 2016, l’intention d’une vente aux enchères afin de «financer la conservation de la biodiversité nationale » a même déjà été soulevée. En 2017, des démarches pour lever l’interdiction de la CITES ont ainsi été engagées.
Après celle de 2017 et une seconde tentative en 2018, les autorités malgaches n’ont pas pu convaincre la CITES de lever l’embargo. Cette dernière estime que la Grande Île ne remplit pas les conditions préalables à la levée de l’interdiction d’exportation.
L’organisation internationale demande notamment un audit rigoureux des stocks afin de déterminer quelles parties sont issues de «coupes licites» et quelles sont les fruits d’une infraction.
Le constat est que, depuis que la lutte contre les trafics s’est intensifiée, les réseaux de trafiquants ont profité des dégâts causés par les cyclones dans les forêts pour procéder à des coupes illégales. Outre l’audit des stocks, la CITES requiert également de Madagascar un plan d’utilisation clair des bois, dans l’éventualité d’une transformation avant mise en vente, mais aussi un plan d’utilisation des revenus des ventes. Le but de ces conditions préalables est d’éviter un «blanchiment» des bois coupés de manière illicite et aussi que les revenus de la vente ne profitent «à des barons du trafic».
Selon les différentes publications des entités internationales oeuvrant dans la lutte contre le commerce illicite de la faune et de la flore sauvages, le trafic de bois précieux, notamment de bois de rose, existe à Madagascar depuis le début des années 90. Des réseaux organisés de trafiquants ont commencé à se structurer et sont montés en puissance au début des années 2000. L’instabilité politique entre 2009 et 2013 a vu une hausse exponentielle des trafics, avec l’Asie comme principale destination.
Selon ces publications, toujours, les stocks de bois précieux sur le territoire malgache seraient de plus de deux millions de rondins. Près de quarante-neuf mille rondins saisis seraient stockés à l’étranger. Contacté, le ministère de l’Environnement et du Développement durable n’a, pour l’heure, pas répondu à la question sur les chiffres à leur disposition concernant la quantité de stocks. De même, le département n’a pas encore réagi à la suite donnée à la déclaration faite par le Haut conseiller de la Refondation à Sambava, vendredi.
Garry Fabrice Ranaivoson
