Mon bon Monsieur
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute
On l’aura reconnu, ce sont les avant-derniers passages de la célèbre fable de Jean de La Fontaine, Le Corbeau et le Renard. On l’a apprise à l’école primaire. La moralité de l’histoire est qu’il faut garder raison lorsqu’une personne nous flatte et nous dit ce que l’on veut entendre.
Hier, le président de la République s’est senti trahi par les flagorneurs de tous bords, responsables de la situation actuelle. « Aujourd’hui, je veux entendre la vérité et non des louanges ni des dithyrambes », s’est-il adressé aux jeunes venus discuter à bâtons rompus avec lui à Iavoloha. Une manière de désavouer en public le manque de sincérité de quelques membres de ses partisans.
Il s’est donc rendu compte que beaucoup dans son entourage s’amusaient à le complimenter pour se faire apprécier quitte à travestir la réalité. En conséquence, le Président serait déconnecté de la véritable situation, se fiant aux faux rapports de certains collaborateurs ou des membres de son parti.
Il faut dire que beaucoup affichent leur soutien au Président pour pouvoir faire des trafics divers, des détournements de fonds en toute impunité grâce à un titre de parlementaire du parti majoritaire, à des postes ministériels ou de simples conseillers.
Il n’est pas le premier président à avoir été trompé par les rapports de complaisance de certains hommes de confiance. Alors que les partisans de Marc Ravalomanana défilaient à l’avenue de l’Indépendance de 9h00 à 17h00 tous les jours pendant huit mois lors de la crise de 2002, soit au moins cinq cent mille personnes par jour, les partisans de Ratsiraka, avec des photos prises à 6h00 du matin à Analakely qu’il ne pouvait pas voir correctement, ses thuriféraires lui rapportaient qu’il n’y avait qu’une poignée de manifestants et qu’il n’y avait rien à craindre. Conforté par ce rapport, Ratsiraka s’est évertué à déclarer que ses détracteurs n’avaient pas le compas dans l’œil. Certains confrères en ont rajouté en affirmant que la place du 13 mai ne pouvait contenir que cent mille personnes au maximum.
Aussi bien Ratsiraka que Ravalomanana et Rajaonarimampianina ont été floués dans leur appréciation de la situation par ces comptes-rendus fallacieux. On connaît ce qui est advenu à ces anciens présidents.
Andry Rajoelina tente de sauver ce qui peut encore l’être en jouant la carte du contact direct avec des discussions avec les jeunes sans intermédiaires. Il a tout entendu et ses interlocuteurs ont presque tout dit. Des mesures immédiates ont été annoncées et seront exécutées illico presto selon le Président. Certains projets seront suspendus au profit de la satisfaction des revendications des jeunes en particulier et de la population en général. Les priorités de l’État changent donc de manière radicale. Ce n’est pas trop tôt mais mieux vaut tard que jamais. Il faut désormais se méfier des affabulations.
Sylvain Ranjalahy