RECONNAISSANCE ÉTATIQUE - Le roi Toera et ses lieutenants érigés en martyrs nationaux

À Belo-sur-Tsiribihina, hier, le Chef de l’État a remis officiellement aux descendants et au peuple sakalava du Menabe les Kabeso du roi Toera et de ses deux chefs militaires. Érigés en martyrs nationaux, ils sont désormais reconnus pour leur sacrifice face aux troupes coloniales.

Le chef de l’Etat, pieds nus, paré de « Lambahoany », comme le veut la tradition sakalava, lors de sa prise de parole dans la cours du Zumba de Belo sur Tsiribihina, hier.

Une reconnaissance étatique. C’est ce qu’Andry Rajoelina, président de la République, a adressé au roi Toera et à ses deux chefs militaires. Dans son discours à Belo-sur-Tsiribihina, hier, il les a érigés en martyrs nationaux.

La remise officielle de leurs Kabeso, ou crânes, à leurs descendants et au peuple sakalava du Menabe, s’est tenue hier à Belo-sur-Tsiribihina. Elle a été effectuée par le locataire d’Iavoloha. Ce geste boucle le processus de restitution de ces reliques, dont celle du roi Toera.

« Je l’ai déjà dit et je le réaffirme ici publiquement : le roi Toera et ses deux chefs militaires ne sont pas seulement des martyrs du peuple sakalava. Ils sont également des martyrs pour toute la nation malgache », a déclaré le président Rajoelina lors de sa prise de parole.

Selon le discours présidentiel, cette reconnaissance s’explique par le courage, la détermination et le patriotisme dont le roi Toera et ses deux lieutenants ont fait preuve face à l’invasion des troupes coloniales françaises. Le Chef de l’État a profité de l’occasion pour honorer « des patriotes qui ont donné leur vie pour le pays, mais qui restent peu présents dans les livres d’histoire ». Ce statut de martyrs nationaux a déjà été matérialisé par l’hommage étatique et militaire qui leur a été rendu au mausolée national d’Avaratr’Ambohitsaina, le 2 septembre.

Selon toujours le Chef de l’État, les hommages que la population a rendus tout au long du parcours des Kabeso jusqu’à Belo-sur-Tsiribihina démontrent leur respect envers le sacrifice du souverain sakalava et de ses chefs militaires. La cérémonie d’hier s’inscrit dans le prolongement de la restitution par la France, le 26 août, des Kabeso des trois hommes, en application de la loi française de décembre 2023 sur la restitution des restes humains.

Cette restitution est aussi le fruit du lobbying mené par l’administration Rajoelina depuis 2020. Lors de l’inauguration de la réhabilitation du Rovan’i Madagasikara, le 6 novembre 2020, le président de la République s’était engagé publiquement à obtenir la restitution des Kabeso du roi Toera et de ses chefs militaires. Il a rappelé hier que cette démarche faisait suite à la demande des descendants du roi Toera, venus solliciter son aide pour rapatrier les restes de leur aïeul.

Engagement tenu

« Engagement tenu », a affirmé hier Andry Rajoelina, soulignant que ce retour rétablit non seulement le Hasina de la famille royale, mais aussi celui du peuple sakalava du Menabe et de toute la nation malgache. Cent vingt-huit ans après leur décapitation et leur conservation comme trophées de guerre, les Kabeso retrouvent ainsi leur terre ancestrale.

« Aujourd’hui, nous pouvons dire sans ambages que c’est un grand jour, un jour historique, car le roi Toera et ses deux chefs militaires tombés à ses côtés sont de retour dans leur terre natale », s’est félicité le Chef de l’État. Et d’ajouter : « Ainsi, en mon nom propre, au nom de l’ensemble du gouvernement et au nom du peuple malgache, je remets officiellement au peuple du Menabe et à l’ensemble de l’ethnie sakalava le Kabeso de votre ancêtre, celui du roi Toera, qui avait été enlevé de force à la patrie et qui est aujourd’hui revenu, 128 ans plus tard. »

Après la liesse populaire lors de l’accueil des reliques jeudi, Belo-sur-Tsiribihina a également réservé un accueil triomphal au locataire d’Iavoloha, hier. Plusieurs milliers de personnes se sont massées dès son arrivée à l’aérodrome. L’enthousiasme de la foule s’est confirmé à son entrée au Zomba, lieu où sont conservées les reliques des souverains sakalava du Menabe. Il y a été reçu dans une ambiance d’une intensité particulière.

Des femmes issues de la lignée du roi Toera se sont précipitées vers le Président pour l’étreindre, l’inviter à danser et lui adresser leurs remerciements. La scène, marquée par une ferveur spontanée, a mis à l’épreuve le dispositif de sécurité. Le prince Harea Georges Kamamy, intronisé souverain des Sakalava du Menabe en juin, a lui aussi exprimé sa gratitude au Chef de l’État pour son implication dans le processus ayant conduit à la restitution des reliques. Il a souligné l’importance de cet acte pour la mémoire collective du peuple sakalava.

Au regard des événements de ces deux derniers jours à Belo-sur-Tsiribihina, la restitution des Kabeso du roi Toera et de ses deux chefs militaires apparaît ainsi comme une reconnaissance et une réhabilitation historique. L’accomplissement d’une promesse et un symbole de souveraineté retrouvée pour le locataire d’Iavoloha. Un moment d’union autour d’un héritage commun, malgré des différends de légitimité au sein des descendants du roi Toera, pour le peuple sakalava.

En conclusion de sa prise de parole, Andry Rajoelina a demandé à la population de se montrer digne de l’héritage laissé par ceux qui se sont sacrifiés pour le pays. Cela, en faisant preuve de la même abnégation et du même patriotisme pour le développement national.

« Soyons une génération de bâtisseurs », a-t-il lancé.

Garry Fabrice Ranaivoson

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