ACCORD COMMERCIAL - La prolongation de l’Agoa au cœur des tractations

À la veille de son expiration, l’Agoa suscite des négociations intenses à Washington. Le maintien de ce dispositif est vital pour Madagascar et plusieurs pays africains.

L'expiration de l’Agoa met en jeu des centaines  de milliers d’emplois à Madagascar.

L’Agoa, en vigueur depuis 2000, offre aux pays d’Afrique subsaharienne un accès préférentiel au marché américain pour plus de 6 000 produits, du textile aux denrées agricoles en passant par certains minerais. Pour Madagascar, les enjeux sont considérables : près de 150 000 emplois directs et quelque 400 000 emplois indirects dépendent de ce dispositif, notamment dans les zones franches industrielles.

À la différence d’autres instruments administratifs, l’Agoa n’exige aucun décret présidentiel pour s’interrompre : « La loi elle-même suffit ; à la date prévue, les préférences tarifaires disparaissent », rappelle l’Office of the U.S. Trade Representative (USTR). Dès le lendemain de son expiration, les produits africains se retrouvent soumis aux droits de douane classiques, compromettant leur compétitivité.

Depuis début septembre, une délégation malgache, conduite par l’ambassadeur de Madagascar à Washington, Lantosoa Rakotomalala, et accompagnée de plusieurs membres du gouvernement, multiplie les entretiens avec les autorités américaines et les acteurs du secteur privé. « Même si les discussions n’ont pas été aisées, elles évoluent dans un sens positif », observe Charles Giblain, du Groupement des Entreprises Franches et Partenaires.

Lors de l’Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière, le président Andry Rajoelina a lui-même rappelé la dimension sociale de cet accord : « L’Agoa n’est pas qu’une loi commerciale, ce sont des vies, des familles et des communautés qui se battent pour leur dignité ».

La conjoncture reste néanmoins complexe. L’administration Trump a récemment imposé des tarifs plus lourds sur certaines importations africaines. Au Lesotho, par exemple, un tarif initial de 50 % a été ramené à 15 % en août, à la suite d’une mission diplomatique. Le ministre Mokhethi Shelile s’est voulu optimiste : « Tous ont convenu que l’Agoa doit être prolongée et ils nous ont promis que, d’ici novembre ou décembre, elle sera étendue d’un an », a-t-il déclaré à l’agence Reuters.

Des enjeux économiques et diplomatiques

L’Agoa a constitué un levier déterminant pour l’emploi et l’intégration des économies africaines aux échanges mondiaux. En 2023, les importations américaines issues des pays bénéficiaires ont atteint 9,7 milliards de dollars, principalement dans le pétrole brut, le textile et les produits agricoles. Sans prolongation, ces exportations perdraient brutalement leur avantage comparatif.

Pour Madagascar comme pour d’autres États de la SADC, cet accord revêt également une dimension diplomatique. Le ministre des Mines, Olivier Rakotomalala, a rappelé que les ressources stratégiques du pays – lithium, cobalt – pourraient constituer des atouts de négociation : « Nos minerais critiques peuvent jouer un rôle clé dans la reconduction de l’Agoa ».

Les discussions intègrent également les mutations du commerce mondial, notamment le numérique et l’e-commerce, dans le sillage de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). L’enjeu est de faire évoluer l’Agoa afin de le rendre compatible avec les transformations globales.

À court terme, l’hypothèse la plus plausible reste une prolongation d’un an, objet des discussions actuelles. Mais pour les gouvernements africains, cette échéance marque un moment charnière : elle scellera soit une extension salutaire, soit l’ouverture d’une période d’incertitude économique profonde.

En ce jour critique, l’attention reste tournée vers Washington. Chaque heure de négociation peut déterminer l’avenir de centaines de milliers d’emplois et la place de l’Afrique dans les échanges transatlantiques.

Irina Tsimijaly

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