L’avortement reste une pratique courante à Madagascar. Des femmes y ont recours discrètement, parfois même au sein de structures sanitaires.
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De nombreuses femmes devant un stand de la caravane médicale pour bénéficier de soins. |
Onze mille avortements ont été enregistrés dans les Centres de santé de base (CSB), selon l’annuaire des statistiques du secteur santé 2022, publié par le ministère de la Santé publique. Ce chiffre témoigne d’une réalité bien ancrée. Mais, au-delà des structures sanitaires, de nombreuses interruptions volontaires de grossesse sont également pratiquées ailleurs. Une étude menée par le mouvement Nifin’Akanga dans les six chefs-lieux de province révèle que 52 % des avortements ont lieu dans des endroits inappropriés, tels que le domicile des femmes ou celui de praticiens, et que 31 % sont réalisés par des personnes non formées médicalement.
Le phénomène touche même les très jeunes. Parmi les femmes ayant avorté dans un CSB, 109 sont âgées de 10 à 14 ans, 1 200 de 15 à 17 ans, 4 800 de 18 à 24 ans, et 5 000 ont 25 ans ou plus. La région Analamanga enregistre le plus grand nombre de cas, avec 1 700 avortements recensés.
« Ces patientes ont pratiqué un avortement ailleurs, mais des complications sont survenues. Elles se sont alors présentées au CSB II pour recevoir des soins, car ce centre ne réalise pas d’avortement», confie une sage-femme interrogée.
Défi de taille
Un gynécologue-obstétricien ayant exercé durant plusieurs années dans une grande maternité, où des avortements sont également constatés, précise : « Lorsqu’un avortement a lieu à l’hôpital, il ne s’agit pas d’un acte criminel. Il peut s’agir d’un avortement spontané, souvent dû à l’état de fatigue avancée de la femme. D’autres cas relèvent d’interruptions médicales de grossesse. »
Une autre sage-femme, qui affirme pratiquer des avortements, observe que la majorité des femmes qui viennent la consulter le font parce que leur grossesse n’est pas désirée. « C’est souvent le cas chez les jeunes filles. Certaines viennent seules, d’autres sont accompagnées de leurs parents ou de leur partenaire. Elles ne se sentent pas prêtes à avoir un enfant. Pour leur faire prendre conscience de la portée de leur décision et les inciter à prendre plus de précautions, je leur montre l’embryon retiré de leur corps », témoigne cette professionnelle de santé exerçant dans le cinquième arrondissement d’Antananarivo.
Selon la loi malgache, l’avortement est un crime puni par le Code pénal. La femme qui y a recours encourt une peine de six mois à deux ans d’emprisonnement. Toute personne ayant pratiqué un avortement, qu’il s’agisse d’un médecin, d’un tradipraticien, d’un infirmier, d’une sage-femme ou d’un pharmacien, risque entre cinq et dix ans de prison.
Face à cette réalité, Madagascar a mis en avant la promotion du planning familial, notamment auprès des jeunes, afin de prévenir les grossesses précoces et non désirées. Toutefois, l’adoption des méthodes contraceptives chez les adolescentes reste encore un défi de taille.
Miangaly Ralitera