SUSPICION D’EMPOISONNEMENT - Rajoelina convoque les ministres pour un rapport public

Face à l’ampleur prise par la suspicion d’empoisonnement du 14 juin, ayant causé plusieurs décès, le président de la République s’exprime à nouveau. Il annonce une convocation des ministres concernés pour présenter leur rapport sur l’affaire et y apporter les explications nécessaires, en direct, demain.

Le ministre de la Santé publique et celui délégué à la Gendarmerie nationale lors d’une déclaration à la presse, le 18 juin.

La vérité. C’est ce que Andry Rajoelina, président de la République, promet sur l’affaire de suspicion d’empoisonnement lors d’une fête d’anniversaire, le 14 juin, sur la route menant à Ambohimalaza. Un drame dont le dernier bilan fait état de trente-et-un décès.

À cet effet, le chef de l’État donne rendez-vous à la nation, demain, à partir de 20 heures, sur la télévision et à la radio nationales TVM et RNM. Une annonce qu’il a faite, hier, dans une publication sur sa page Facebook. “J’ai toujours fait de la vérité une priorité, et je continuerai à dire la vérité au peuple malgache. Face à l’affaire d’empoisonnement ayant entraîné la mort de nombreuses personnes, je convoque les ministres concernés au palais d’État d’Iavoloha afin qu’ils nous présentent un rapport complet et des explications sur la situation”, indique-t-il.

Il s’agira de sa deuxième prise de parole publique sur le sujet, après celle du 19 juin, sur le plateau de la TVM. La veille, le ministre de la Santé publique, la ministre de la Communication et de la Culture, et celui délégué à la Gendarmerie nationale ont fait part à la presse que la thèse de l’empoisonnement était privilégiée, en écartant celle du botulisme. “Il n’y aura pas d’impunité dans cette affaire”, a alors déclaré le président Rajoelina. Il a également fait part du fait que des échantillons des aliments consommés durant la fête d’anniversaire et des régurgitations des victimes ont été envoyés pour être analysés en France.

Le 20 juin, trois personnes ont été placées en détention préventive suite à leur traduction devant le parquet du tribunal de première instance d’Antananarivo, à Anosy. Seulement, l’affaire ne s’est pas tue depuis. En cause, la liste des personnes décédées n’a eu de cesse de s’alourdir. En parallèle, les vagues de rumeurs fusent et des désinformations submergent les informations distillées au compte-gouttes par les responsables, qui martèlent l’argument du secret de l’enquête et celui de l’instruction. À cela s’ajoutent les tris sélectifs appliqués à la presse pour la collecte des informations.

Raison d’État

En conséquence, les polémiques et les rumeurs ont pris le pas sur la vérité. N’ayant pas les moyens de discerner le vrai du faux, l’opinion est dans la confusion. Sans compter les lynchages publics et les suspicions de culpabilité qui inondent les réseaux sociaux. Même la thèse de l’empoisonnement mise en avant par les autorités étatiques est bousculée par la presse étrangère, qui affirme que “les analyses réalisées à l’Institut de médecine légale de Strasbourg à partir des prélèvements d’un patient décédé n’ont pas permis d’établir la cause des décès”.

Les sorties médiatiques maladroites de certains responsables, dont celle de l’ancienne directrice de la veille sanitaire, de la surveillance épidémiologique et riposte du ministère de la Santé publique, n’ont fait qu’accentuer la confusion. Une maladresse qui a conduit à son limogeage lors d’un Conseil des ministres restreint, lundi. Samedi, lors d’une visite des victimes encore en traitement au Centre hospitalier universitaire Joseph Ravoahangy Andrianavalona (CHU - JRA), le professeur Zely Randriamanantany, ministre de la Santé publique, a essayé d’éteindre la polémique en réaffirmant la thèse de l’empoisonnement.

Le membre du gouvernement a soutenu, au passage, que les échantillons ont été envoyés à “deux laboratoires” et que les signes cliniques que présentent les patients ne correspondent pas à ceux du botulisme. Cette visite médiatisée a été suivie d’une déclaration de Benjamin Rakotomandimby, ministre de la Justice. Une première depuis le début de l’affaire. Il a fait le point sur l’évolution de l’enquête. Voulant la vérité, les familles des victimes se sont constituées parties civiles et ont porté plainte contre l’hôte de la fête d’anniversaire et sa mère. Elles ont été auditionnées, lundi.

Le drame du 14 juin a rapidement pris une dimension étatique avec la montée au front de membres du gouvernement et même du président de la République. Depuis quelque temps, il a également pris une envergure politique, devenant la principale munition de l’opposition contre le pouvoir. L’affaire a aussi pris une dimension sociale. Mais surtout, l’affaire est en train de faire vaciller la crédibilité des institutions de la République, du système judiciaire et de celui de la santé publique. Ce qui expliquerait les récentes sorties médiatiques de ministres et surtout le rendez-vous de demain.

L’initiative présidentielle de convoquer les ministres pour faire un rapport et apporter des explications publiques est vraisemblablement dans le but de rétablir la vérité, mais aussi de défendre la crédibilité de la République. En conséquence, il faudra que les ministres aient des arguments en béton armé pour briser le scepticisme ambiant. Reste à voir si le jeu de la vérité dépassera l’immense barrière que semble représenter le secret de l’enquête et de l’instruction, alors que l’heure est grave. La raison d’État aura-t-elle le dessus sur la procédure ?

Garry Fabrice Ranaivoson

4 Commentaires

  1. Plus d'un mois et demi après le début de cette affaire qu'attendre d'une telle intervention ? Pour la majorité de la population ce dédain et cette indifférence face à des morts en cascade laissera des traces dans la mémoire collective .Les familles endeuillées n'ont jamais eu la compassion et le soutien psychologique nécessaire. Le régime a sa vérité et que le président de la république va certainement encore marteler c'est à dire il y a eu empoisonnement " criminel " . Ces collaborateurs comme ces ministres concernés vont encore le ressasser à tue tête . Ces responsables risquent de ne jamais être inquiétés . La justice déroulera comme d'habitude des jugements sous pression .La république ne sortira pas grandie de toutes ces manipulations et autres turpitudes !

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  2. Rectificatif : laisseront des traces .Nécessaires .

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  3. Vouloir banaliser la science semble donner de l'ampleur aux rumeurs et supputations concernant la tragédie.
    L'indiscipline n'est pas une nouveauté dans le pays. Ses conséquences sont néfastes. N'occultant pas les obligations et les responsabilités. À tout un chacun de réfléchir sur les tant de leçons à tirer .

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    1. Bravo !Ne pas banaliser la science et donc vénérer l'obscurantisme ! Inutile d'accabler la population parce que leur indiscipline supposée n'a aucune mesure avec l'irresponsabilité et l'incompétence des tenants du pouvoir !

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