Savoir en exil

Alors que les images et les informations prolifèrent et envahissent les vues et les esprits, la culture générale traverse une crise qui se traduit par son absence dans ces territoires cérébraux pourtant pleins. Paradoxalement, même si la conquête du savoir est facilitée par les moyens technologiques actuels, la puissance de l’ignorance continue de s’affirmer. Cette exclusion du savoir a aussi donné le champ libre aux différents maux qui reflètent la nuit cognitive dans laquelle nous sommes plongés. L’ignorance produit l’incivisme, l’insalubrité, l’indiscipline, le massacre des biens communs...

Les ombres de l’ignorance se projettent sur les murs de la caverne, lieu d’une captivité qui fait l’objet d’un attachement mortifère. Les lumières de la connaissance peinent à attirer les regards, éblouis par d’autres sources de fascination. Condamnée à l’indifférence, la culture générale est ainsi sommée de partir lorsqu’elle essaie de se manifester, pour laisser la place à d’autres contenus viraux dont l’influence est recherchée par beaucoup d’âmes en quête de repères. 

Et dans cette situation d’exclusion de la culture générale, de mise à l’écart du savoir, l’apparence, ou les ombres projetées dans cette sombre caverne, règne.

L’apparence est ainsi l’arme de domination exploitée sans modération, quand la volonté de dominer s’exprime en agitant diverses formes changeantes, dont l’instabilité est caractéristique d’une époque où le désordre a une grande latitude. La connaissance fait défaut, et l’ignorance fait virevolter les sens, pris dans cette caverne où ceux qui manipulent les ombres façonnent les valeurs et les «vérités». Ainsi en est-il des opinions et des convictions qui changent au gré des vents forts, vents qui peuvent facile-ment secouer les esprits affaiblis par ce manque de connaissances sur lesquelles s’appuyer. Et quand la culture générale a été bannie, n’a pas une place de choix dans les différents canaux qui propagent les informations, le monde souffre de cette carence sévère de connaissances.

Une société qui a effacé de son équation la culture générale est semblable à celle où vivent les personnages de 1984 (G. Orwell, 1949). Quand la connaissance est évincée, les internautes sont sensibles aux manipulations du ministère de la Vérité (Miniver) et de ses avatars modernes qui s’épanouissent sur les réseaux sociaux, où les fake news accaparent les pensées. Quand la culture générale est absente, les mystifications bénéficient d’un environnement propice à leur profusion, les individus étant privés d’une partie importante des ressources pouvant donner la capacité de discernement. Ces usagers des plateformes numériques devraient bénéficier de plus de contenus favorisant l’enrichissement des connaissances.

Fenitra Ratefiarivony

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