Pause-café

Les civilisations peuvent s’écrouler, dans certains rituels. Elles se savent mortelles, selon le mot de Valéry. Néanmoins, je fais des stations-services mes étapes civilisationnelles. Un bien grand mot qui tient à pas grand-chose : des toilettes décentes, une boutique qui surprend agréablement au milieu de nulle part.

Mais, pourquoi, le long de routes nationales tellement authentiquement malgaches rien qu’à voir leur état de décrépitude totale, Jovena, Shell, Total, Galana, ne servent jamais de «kafe gasy» ? «Segafredo sa Lavazza ?». Je veux juste du «tsatson-kafe». Comme celui que j’avais commandé à Manerinerina et qui me tint éveillé (entre deux dangereuses somnolences) jusqu’à Antsohihy. Un café qu’on avale sans se soucier de son pedigree. Pas éthiopien, nullement colombien, même pas important qu’il soit robusta ou arabica. Qui ne cherche pas à associer «grande pureté» et «grande complexité». Qui ne se complique pas à assurer tout à la fois : sucrosité, acidité, floralité... 

De chez ma grand-mère, on aurait dû conserver précieusement ce moulin manuel qui sentait bon les grains de café qu’on avait préalablement grillés. À l’époque, on se souciait surtout de reléguer les vieilleries sans songer devenir mylokaphéphile. Dire qu’il n’y a pas si longtemps encore, le temps d’une génération de grands-parents à celle de petits-enfants, chacun «faisait» son café. On n’allait pas chercher querelle byzantine à l’épicerie entre «Tsy Lefy» ou «Tsy Resy».

Comme ces enfants qui découvrent que le blanc de poulet est une poule bien vivante de la Foire de l’élevage, c’est sur l’étroite bande de terre de Vavony que je dégustai sur pied la cerise rouge du café : «toa mamy», sur le même mode qu’on prête à Radama 1et en 1817 quand il goûta la salinité de la mer, «Toa masina»...

Dans le vin, que je pensais bêtement de raisins, des «nez» savent trouver des «notes de fruits rouges, de vanille, de caramel... «Le parfum» de Jean-Baptiste Grenouille est à portée d’effluves. 

Roue aromatique, terroir spécifique, grand cru. Pousser le vice à être bio et se garantir «fair trade». Odeur, arôme, arrière-goût, acidité, corps, uniformité, équilibre, pureté, douceur, impression générale. Comment, presque «Dead walking», celles et ceux qui vivent machinalement avant le premier café du matin, pourraient ressentir tout ça le temps d’une «pause-café». Qui les réveille, qui les ressuscite. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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