Le gouvernement malgache persiste et signe l’interdiction de l’interruption thérapeutique de grossesse. Cet acte médical continue pourtant d’être pratiqué dans le silence.
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Le mouvement Nifin’Akanga lors du lancement de l’initiative Farimbona 2.0, en son siège à Ambatomaro, hier. |
Haromalala, âgée de 37 ans, a récemment subi une interruption de grossesse. Au début du mois de juin, sa gynécologue lui a prescrit des médicaments pour mettre fin à une gestation de huit semaines d’aménorrhée.
« J’ai effectué une première échographie le 15 mai. Le médecin m’a demandé de revenir quinze jours plus tard pour confirmer la grossesse. Entre-temps, des taches marron sont apparues sur mes sous-vêtements. Un médecin du Centre de santé de base (CSB) de notre quartier m’a recommandé un repos strict au lit, en attendant le prochain rendez-vous d’échographie. Lors de cette deuxième échographie, ma gynécologue m’a expliqué que la grossesse ne pouvait pas être poursuivie, car l’embryon ne se développait pas, voire régressait », a-t-elle témoigné, hier.
Bien qu’aucun texte juridique ne l’autorise, l’interruption de grossesse pour des pathologies maternelles menaçant la vie de la femme est une pratique courante à Madagascar, notamment dans les hôpitaux publics, selon le Collège malgache des gynécologues obstétriciens (Comago). Un gynécologue d’une grande maternité à Antananarivo affirme que cet acte médical reste fréquent, sans en préciser les chiffres.
Infraction
Le ministère de la Santé publique estime à près de 75 000 les avortements clandestins pratiqués chaque année. Ces actes se déroulent à l’abri des regards, car, jusqu’ici, l’avortement — qu’il soit volontaire ou thérapeutique — demeure interdit à Madagascar. La proposition de loi relative à l’ITG n’a pas obtenu le feu vert de l’Assemblée nationale en 2022.
Le 2 juillet, lors de la phase finale de l’Examen périodique universel (EPU) devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève, le gouvernement malgache, représenté par Benjamin Rakotomandimby, ministre de la Justice, a réaffirmé son opposition à la légalisation de l’interruption thérapeutique de grossesse (ITG), alors que sa dépénalisation figurait parmi les recommandations adressées à Madagascar lors de l’EPU tenu en janvier.
« À Madagascar, l’avortement constitue une infraction réprimée par le Code pénal », avait-il expliqué.
Les opposants à l’ITG affirment qu’elle va à l’encontre des fondements culturels, religieux et moraux de la société malgache. De son côté, le Comago souligne qu’elle est pratiquée, en cas de pathologie engageant le pronostic vital de la mère, dans le but de « sauver » cette dernière.
Afin de briser les tabous et d’encourager des débats libres, fondés sur des faits, le mouvement Nifin’Akanga, en partenariat avec Amplify Change, lance une initiative intitulée « Farimbona 2.0 ». Ce mouvement vise à instaurer un dialogue entre les leaders religieux de l’océan Indien et de l’Afrique, à mobiliser les jeunes par l’artivisme, et à renforcer les organisations féministes communautaires. L’objectif est de relancer les actions de plaidoyer en faveur de la légalisation de l’ITG.
Miangaly Ralitera