Les adieux déclenchent enfin une forme de reconnaissance. Novak Djokovic, longtemps l’athlète à la régularité trop métronome, que le public hésita à applaudir franchement, devient soudain l’icône qu’on acclame.
Wimbledon 2025 sera-t-il le jardin d’un huitième sacre, à l’égal de Roger Federer, ou le théâtre d’un clap de fin. Le plus grand palmarès de l’histoire du tennis se retrouve pour la 52eme fois dans le dernier carré d’un Grand Chelem, mais deux jeunes qui n’aspirent qu’à “tuer le père”, se dressent dans l’ultime ascension vers cette 25ème couronne en Grand Chelem.
Daniil Medvedev l’avait déjà privé d’un (vrai) “Grand Chelem” en arrachant des larmes au “robot” Novak, en finale de l’US Open 2021. Il faut croire que le public déteste l’infaillibilité puisque Novak n’allait recevoir une formidable ovation qu’au moment de mettre un genou à terre. À une dernière victoire d’un exploit qui tenait alors depuis 52 ans, le “Grand Chelem” calendaire, Novak passa à côté de son match et de l’histoire. 2023 fut une autre année presque parfaite. N’était-ce cette défaite en finale de Wimbledon, face au phénomène Carlos Alcaraz. Jamais, sans doute, on n’avait souhaité aussi fort que le “Vieux” gagne pour entrer véritablement dans la légende de son sport. Federer et Nadal s’étaient retirés de la partie, mais la jeune génération allait montrer l’impitoyabilité de son âge.
Voilà que l’homme aux 37 finales en Grand Chelem semble devoir s’arrêter aux demi-finales : Australie, Roland Garros, en attendant mieux à Wimbledon ? Depuis sa défaite sur l’ocre parisien, Novak répète à l’envi que ce Wimbledon 2025 représente certainement sa meilleure (et dernière ?) chance en Grand Chelem face à Sinner et Alcaraz. Le public le sait, le public le sent, et maintenant que Novak est plus proche de la retraite que d’un énième record, de paria il est passé héros.
Le Centre Court, jardin de Federer qui y a succédé à Sampras, découvre qu’il va regretter ce septuple vainqueur, pas méconnu mais peu reconnu. Comme si on lui reprochait de s’être immiscé dans le tête-à-tête Federer-Nadal. Récalcitrant aux vaccins Covid, dont on découvre finalement les effets juste placébo, Novak avait été interdit d’un Open d’Australie qu’il aurait pu gagner. Personne n’avait alors dénoncé une injustice, ni fait de lui un martyr.
À 38 ans, Djokovic compose également désormais avec son corps. Cette vilaine chute en fin d’un quart de finale qu’il aurait dû boucler bien plus tôt, suscite toutes les interrogations. Plus vieux, moins dominant, enfin fragile, Novak est devenu l’outsider qu’on aime supporter.
Au summum de sa carrière, en perfectionniste extrême, il n’aura jamais reçu tant d’amour. Se retournant sur ce qu’il a accompli, on lui découvre enfin de la grandeur. Les anciens s’inclinent, les jeunes s’inspirent, le public applaudit. Miroir, miroir : trop “légende” en temps réel, Djokovic n’a pas changé ; c’est notre regard qu’a adouci le temps sur tant d’accomplissement ennuyeux.
Les légendes se lisent donc dans le sillage du paquebot, plutôt que dans le sillon du soc au cul du bœuf. Le public découvre les légendes quand elles prennent congé. Les adieux se mettent en scène. Comme souvent dans les tragédies bien écrites, ce n’est qu’au tomber du rideau que la salle se lève.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja