Privés de statut officiel, les artistes malgaches multiplient les activités hors saison pour survivre.
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Samoela se focalise pleinement sur la musique. |
À Madagascar, le métier d’artiste n’est toujours pas officiellement reconnu par un statut juridique. Pourtant, pour beaucoup, l’art, notamment la musique est bien plus qu’un gagne-pain : c’est un mode de vie, un engagement quotidien, parfois un défi de survie. Le monde musical malgache continue de démontrer son dynamisme. Les concerts, les festivals, les cabarets ou encore les soirées privées représentent une véritable manne financière… mais seulement pendant la haute saison des spectacles.
« Pendant les périodes creuses, je me ressource, je prends du repos, mais surtout je compose de nouvelles œuvres pour la saison à venir » confie Jazz MMC, artiste reconnu sur la scène nationale. Une démarche partagée par Princio, pour qui ces temps de pause permettent de conjuguer vie familiale et création artistique : « On écrit, on compose, on réfléchit à de nouveaux projets. Il y a aussi parfois des showcases, des soirées privées, ou des événements ponctuels comme les fêtes d’entreprises ou les team buildings. »
Le spectacle a sa saison à Antananarivo. De février à juillet et de septembre à décembre. Janvier est un mois difficile pour tout le monde, financièrement, ce qui empêche les spectateurs de se rendre aux spectacles, surtout après les dépenses des fêtes de décembre. En août, tout le monde se concentre sur les vacances et la rentrée scolaire.
Entrepreneurs ou multitâches
Si certains réussissent à vivre uniquement de leur art, d’autres doivent jongler entre leur passion et un emploi plus stable. C’est le cas de Nampoina, qui travaille dans une banque à Antananarivo et chante le soir dans des cabarets ou lors d’événements privés pour compléter ses revenus. Une réalité partagée par de nombreux artistes contraints à la double casquette. À l’inverse, des figures comme Samoela et Shyn incarnent une autre forme de réussite : celle de l’artiste-entrepreneur.
Shyn a fondé le label Makua, tandis que Samoela dirige Be Mozik. « Je vis totalement de la musique. En plus des spectacles à Madagascar et à l’étranger, je gère aussi Be Mozik, une entreprise musicale qui me permet de créer et de produire sans dépendre exclusivement des contrats ponctuels », explique Samoela.
Du côté des troupes de Hira Gasy, cette forme d’art traditionnel reconnue par l’Unesco, l’organisation de la vie artistique obéit à d’autres rythmes. Un leader de troupe témoigne : « Hors de la saison des Famadihana et des tournées, nous nous consacrons aux travaux agricoles pour subvenir aux besoins quotidiens. En parallèle, nous écrivons un nouveau titre par an, que nous répétons durant plusieurs mois. »
Cette réalité plurielle du quotidien des artistes montre à quel point l’instabilité reste le lot commun, faute d’un statut officiel qui garantirait protection sociale, et droits élémentaires. Si l’art nourrit les âmes, il peine encore à nourrir ceux qui le portent.
Nicole Rafalimananjara