La tension était à son comble mardi, lorsqu’une cohue de villageois s’est précipitée au bord d’un cours d’eau situé en aval de l’agglomération centrale. Trois crocodiles adultes de grande taille, sortis des eaux pour s’approcher dangereusement des habitations, ont été repérés à temps. Dans un élan de bravoure mêlé de peur, les habitants les plus téméraires se sont lancés dans une opération aussi risquée qu’inattendue : la capture des reptiles.
Armés de cordes et de bâtons, les villageois sont parvenus à maîtriser les trois bêtes, dont les mâchoires ont été rapidement et solidement ligotées. Les crocodiles ont ensuite été transportés au cœur du village, sous haute surveillance.
Leur sort restait d’abord incertain, même si, dans la tradition locale, ces prises sont souvent abattues, dépecées, et leur chair partagée entre les membres du fokonolona. Ce type de pratique, bien que répréhensible au regard de la loi sur la protection de la faune, demeure courant en milieu rural, surtout lorsque la sécurité collective est en jeu.
Ce sursaut de vigilance n’est pas sans raison. Une semaine auparavant, un drame a été évité de justesse à Amborata Vovoka, lorsqu’un pêcheur a été attaqué par un crocodile mangeur d’homme alors qu’il jetait ses filets dans la rivière. Grièvement blessé, il a été transporté d’urgence au Centre de santé de base de niveau II de Bemarivo. Grâce à l’intervention rapide des secours, il a pu être sauvé et, depuis, a regagné son foyer après avoir reçu les soins nécessaires.
Face à cette série de faits divers aussi inhabituels qu’inquiétants, la psychose s’installe à Bemarivo. Les habitants, désormais sur le qui-vive, craignent une recrudescence de ces incursions animales. Le mystère demeure quant à la raison de cette soudaine agressivité des crocodiles. La proximité croissante des bêtes avec les zones habitées interroge : simple coïncidence ou signe d’un déséquilibre environnemental inquiétant ?
À Bemarivo, l’ombre des crocodiles plane désormais sur le quotidien des villageois.
Andry Manase