Cette année, l’Aïd el-Kebir a été marqué par une ambiance plus sobre, due aux difficultés économiques et au manque d’aides. Pourtant, l’esprit de solidarité est resté vivant chez les fidèles.
![]() |
Les rues sont calmes à Antsiranana. |
Contrairement au nom évocateur en dialecte local « Idd Be », la fête de l’Aïd el-Kebir, également appelée Tabaski ou fête du sacrifice, s’est déroulée cette année dans une ambiance particulièrement loin du faste et de l’effervescence habituels.
Traditionnellement marquée par des prières collectives, le sacrifice rituel du mouton, des retrouvailles familiales et des partages généreux, la célébration a semblé perdre de son éclat dans plusieurs quartiers. On a constaté que l’atmosphère n’était pas aussi animée si l’on compare avec l’édition de l’année dernière.
Plusieurs raisons expliquent ce manque de ferveur. La conjoncture économique difficile, marquée par la hausse des prix des denrées alimentaires et du bétail, a pesé lourdement sur les familles. Beaucoup ont dû renoncer à acheter un mouton ou à organiser un repas festif. D’autres encore ont préféré marquer la fête dans la sobriété, dans un esprit de recueillement plus que de réjouissance.
La situation a été aggravée par l’absence des grandes organisations caritatives étrangères, qui offrent habituellement des centaines de bœufs à distribuer aux nécessiteux à l’occasion d’Aïd el-Kébir. On cite notamment l’association turque Direct Aid, qui avait l’habitude de combler les attentes des habitants d’Antsiranana et de ses environs.
Combat spirituel
À cela s’ajoute une certaine lassitude sociale, nourrie par l’incertitude ambiante et les préoccupations du quotidien. Les rues, habituellement animées de chants et de visites, sont restées calmes.
Malgré cette célébration en demi-teinte, la fête a été maintenue dans son essence spirituelle. L’esprit de solidarité, de piété et de partage demeure vivant. Quelques associations locales et fidèles ont tenu à perpétuer les gestes essentiels.
Mais sur le plan extérieur et festif, on a pu percevoir un combat spirituel chez plusieurs fidèles musulmans. La baisse de fréquentation lors de la prière collective en plein air organisée le matin en est une preuve visible. Un père de famille musulman résidant à Ambalakazaha a témoigné qu’il n’a pas assisté à la prière matinale tenue à Kianjasoa avec sa famille, par manque de moyens pour acheter des vêtements neufs, ce qui les aurait mis mal à l’aise face aux autres fidèles.
Ce constat a été confirmé par des commerçants de vêtements à Tanambao, spécialisés dans les tenues pour les fêtes musulmanes. « Depuis jeudi dernier, je n’ai vendu que trois tenues d’enfants et une robe pour femme », affirme Beanjara Marceline, une commerçante qui tient une boutique en face de la Mosquée Tanambao.
À l’abattoir traditionnel de Tanambao, appartenant à un certain « Tseni Bengy », surnom bien connu dans le quartier, habituellement très fréquenté pour l’abattage et le traitement des moutons et des chèvres destinés au sacrifice, il a déclaré que certains de ses clients se contentaient cette année d’acheter à peine un kilo et demi de viande, faute de pouvoir se procurer un mouton entier. Bien entendu, cette viande n’était pas destinée au sacrifice rituel (qurban), mais simplement à la consommation domestique.
Malgré tout, certains fidèles musulmans gardent espoir, car les célébrations de Tabaski s’étendent sur trois jours. Ils espèrent que leurs coreligionnaires disposant de moyens, notamment ceux vivant à l’étranger, enverront leur contribution dans les jours à venir pour soulager les difficultés actuelles.
Raheriniaina