Le cerveau humain commença à enclencher le levier de l’histoire il y a 70 000 ans quand se produisit ce que les chercheurs appellent la révolution cognitive. Dans le néo-cortex, siège d’un grand bouleversement, commencèrent à être en puissance les idées, les pensées, les inventions, les récits... qui seront les traces laissées par le passage d’Homo sapiens sur Terre. Les compétences langagières, créatives, d’abstraction s’invitèrent dans les cerveaux pour ne plus partir. Et il y a presque quarante-cinq ans, le 22 mai 1980, le monde découvrit un des produits emblématiques de ces facultés ou privilèges humains.
On raconte que ce fut en voyant une pizza sans une de ses parts que Toru Iwatani, alors employé par la société Namco, vit naître dans sa tête un personnage emblématique de l’univers des jeux vidéo. Les connaisseurs ont sans doute deviné que cette tête de pizza dépourvue d’une part, ce personnage rond, vu généralement de profil avec sa bouche ouverte, est Pac-Man. Provoquée par la nourriture, l’imagination, une des capacités enfantées par le choc électrique cérébral qui a donné cet avantage cognitif, s’est mise à enfanter celui qui réussira à fédérer hommes, femmes et enfants dans le monde vidéoludique qui a vu son public s’élargir.
Ainsi s’est affirmée cette capacité exclusivement humaine à exploiter les formes existantes, les objets qui s’offrent à sa perception comme matières premières au service de la création. Le pouvoir du cerveau, capable, comme Newton, de découvrir la loi de la gravitation universelle à partir de l’observation de la chute d’une pomme ou, à l’instar d’Archimède, de formuler le principe de la flottabilité en remarquant, alors qu’il est dans son bain, les mouvements de l’eau. Comme l’alchimiste qui cherche à transformer le plomb en or, la puissance cognitive de l’homme a ce pouvoir qui peut produire la métamorphose d’un objet banal qui devient, par exemple, une matière poétique selon Bachelard.
Ainsi, quand ce privilège créatif vise les objets de la réalité qui est du domaine de l’ordinaire bien souvent prosaïque, il est invité à provoquer cette mutation qui fera de l’anodin une œuvre d’art. Et certains humains ont, par exemple, à la portée de leurs sens le potentiel d’une riche biodiversité qui n’attend que le mouvement créateur de ceux qui ressentent cette présence, ou encore le goût des produits de leurs terres qui demandent à être raffinés par ce pouvoir créatif... pour confirmer cette conviction de Pierre-Simon Ballanche : «La poésie est partout : il ne s’agit que de la faire sortir.»
Fenitra Ratefiarivony