Depuis des mois rien ne s’améliore chez Enelec, fournisseur d’électricité dans la ville d’Antsiranana. |
À Antsiranana, le délestage s’impose comme une épreuve quotidienne, plongeant la population dans l’obscurité et l’incertitude. Malgré les promesses officielles, la situation ne cesse de se détériorer, affectant gravement la vie économique, sociale et psychologique des habitants.
À Antsiranana, comme dans d’autres villes de Madagascar, le délestage est devenu un mal récurrent, un fardeau que la population supporte au quotidien. Derrière ce mot devenu tristement familier se cache une réalité bien plus lourde, celle d’un peuple privé d’un droit fondamental : l’accès régulier à l’électricité.
L’Enelec, unique fournisseur d’électricité dans la ville d’Antsiranana, avait annoncé des réformes lors de la descente du Premier ministre Ntsay Christian avec la Banque mondiale, dans la capitale du Nord, en mars dernier. Elle avait même promis la fin des délestages pour la fin avril. Mais les réalités restent inchangées. Pire, la situation s’est aggravée. De nuit comme de jour, les coupures d’électricité sont régulières et longues.
Avant-hier (mardi), beaucoup de quartiers de la ville ont été plongés dans l’obscurité pendant plus de 14 heures. Les coupures d’électricité sont survenues inopinément de 16 heures jusqu’à 6 heures du matin. Toujours selon les explications de la Jirama, la panne des groupes en est la cause.
Dérives
Ainsi, la coupure d’électricité devient une forme d’injustice structurelle, un symbole de la faillite de la gouvernance énergétique.
Il n’est plus nécessaire de rappeler les effets dévastateurs des délestages récurrents et imprévisibles sur les secteurs économiques et sanitaires. Ces coupures d’électricité paralysent les activités et ouvrent malheureusement la voie à toutes sortes de dérives de la part de personnes malintentionnées.
Des rumeurs persistantes ont récemment provoqué une descente sur les marchés des responsables de la direction régionale du Commerce, accompagnés de représentants de l’administration locale. L’objectif est de vérifier des allégations selon lesquelles certains vendeurs de poisson et de viande utiliseraient des produits interdits, notamment du formol et de la poudre de savon « Klin », pour conserver leurs marchandises, faute d’électricité.
Ces pratiques, si elles étaient avérées, représenteraient un grave danger pour la santé des consommateurs. Elles seraient également révélatrices des conséquences indirectes du délestage sur la chaîne alimentaire locale. Cependant, lors de l’opération de contrôle menée au marché, aucune preuve tangible n’a été trouvée pour confirmer ces accusations.
Quoi qu’il en soit, les coupures fréquentes d’électricité ralentissent considérablement les activités. À l’échelle économique, le délestage est un poison lent. Il détruit les petits revenus, sabote la productivité, pousse les entreprises à s’équiper de coûteux groupes électrogènes, que tous ne peuvent se permettre. Les cybercafés ferment leurs portes, les restaurateurs perdent leurs clients, les coiffeurs remballent leur matériel.
Dans le secteur de l’éducation, les élèves et étudiants sont aussi durement touchés. L’impossibilité d’étudier le soir à cause du manque d’éclairage ou l’interruption des cours en ligne freine considérablement leur apprentissage. Dans les écoles et universités, le manque d’éclairage empêche les élèves d’étudier le soir, or la période d’examens est proche.
Selon des témoignages des habitants des quartiers, au-delà des conséquences pratiques, le délestage constant provoque aussi une forte détresse psychologique.
« Notre travail consiste à vendre des clarinettes et des jus pendant la journée, puis le soir, nous vendons de la soupe et des brochettes au bord de la route, au pied d’un poteau électrique. Mais hélas, notre activité ne satisfait plus notre clientèle à cause des coupures d’électricité quotidiennes. Nous perdons des clients et nous avons du mal à gagner de l’argent », confie un couple de vendeurs, visiblement découragé.
Raheriniaina