Jorge Bergoglio, «choisi parce que pardonné»

Ce n’est pas faire insulte à un homme de 88 ans d’envisager son éventuel trépas. Alors que le Pape François semble difficilement se remettre d’une infection pulmonaire, j’ai retrouvé une Chronique d’il y a exactement douze ans, jour pour jour. L’élection anticipée, qui allait aboutir à l’élection de Jorge Bergoglio, avait été provoquée, rappelons-le, par la renonciation de son prédécesseur, Benoît XVI, alors âgé de 86 ans. À l’époque, les spécialistes du Vatican avaient expliqué le choix du nom « François » en établissant un parallèle avec Saint François d’Assise. Ancien élève des Jésuites, j’ai toujours été enclin à croire qu’il s’agit d’un clin d’œil à François Xavier, le missionnaire jésuite du 16ème siècle, de la part du premier Jésuite élu Pape.  

Un jour, dit-on, un Jésuite part s’infiltrer derrière le « rideau de fer » de l’ancienne URSS. Pendant des décennies, ses supérieurs n’entendent plus parler de lui et concluent à sa mort. Découvert par la terrible KGB. Torturé dans d’affreuses souffrances dans les sous-sols de l’immeuble Loubianka. Et jeté avec des palmes de béton au fond de la Moskova. Puis, alors même que le Préposé général qui lui avait confié la mission est mort dans l’exercice de ses fonctions, la Compagnie reçoit un message de la part du Président du Praesidium du Soviet Suprême : « Agent en place. Attend instruction ». 

L’image du Jésuite rusé, passe-partout, insubmersible. François-Xavier (1506-1552), compagnon de route du fondateur Ignace de Loyola (1491-1556), évangélisa en Inde et au Japon. Matteo Ricci (1552-1610) conquit la Chine : un timbre le représente en grand mandarin : « haut bonnet, bouton de nacre, barbe fluviale ». Et il fut au cœur de la querelle dite du « coton ou soie » : il parvint à faire s’habiller de soie les Jésuites établis en Chine parce que les robes en coton les assimilaient à de pauvres hères…

Tel passe être le Jésuite : Indien parmi les Indiens, Japonais au milieu des Japonais, Chinois avec les Chinois. «Miteny gasy» avec les Malgaches, à l’instar du Jésuite François Callet, auteur du plus célèbre recueil de traditions orales, les « Tantara ny Andriana ».  Ses condisciples auront produit des travaux qui demeurent des références : Abinal (Dictionnaire malgache-français, 1888), Malzac (Histoire du royaume Hova, 1930), Dubois (Monographie des Betsileo, 1938). 

Parmi toutes les troupes du Pape, la Compagnie des Jésuites est celle qui aura suscité le plus de controverses. Créée le 27 septembre 1540, par la bulle Regimini Militantis ecclesiae du Pape Paul III, la Compagnie de Jésus sera supprimée le 21 juillet 1773, par un Pape Clément XIV pressé de se conformer aux proscriptions portugaise (1759), française (1764) et espagnole (1767). Les Jésuites seront alors « protégés » par le luthérien Frédéric II de Prusse et l’orthodoxe Catherine II de Russie jusqu’à la résurrection du « cadavre » en 1814.  

Un jour, les exégètes dresseront le bilan de son pontificat. Il y a douze ans, unique cardinal jésuite parmi les 115 électeurs, Jorge Mario Bergoglio interpella aussitôt ceux qui l’avaient élu : « Que Dieu vous pardonne pour ce que vous venez de faire ». Avant de se choisir comme devise, «miserando atque eligendo» : choisi parce que pardonné. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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