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Imerimanjaka, « c’est l’Imerina qui règnera », est réputé pour les pierres levées surtout sur les tombes de Rangita et Rafohy. |
La ‘dévazimbisation’ est en marche. « Rangita essaya d’utiliser les ressources que lui offraient les nouveaux concepts pour mettre fin à une situation à laquelle seule sa force de ‘tigresse’ (trimovavy) lui avait permis de faire face » (Jean-Pierre Domenichini et Bakoly Domenichini Ramiaramanana, 2003). Elle règne à une époque de troubles où les grands Vazimba tels que Ramasinanjomà et Ramasinamparihy établis à Analamanga lorgnent également sur Alasora qui est l’endroit le plus convoité pour verrouiller le fleuve Ikopa.
Elle se retrouve à la fin d’une lignée des Rafandrana qui n’ont plus l’affection et la soumission du peuple. Selon l’auteure de l’étude sur « Rangitatrimovavimanjaka, ventre dynastique et le Fanjakana arindra- ifanoavana », Ramisandrazana Rakotoariseheno, « Andriantsaradolo ou Rafandrana VI avait statué sur le protocole funéraire ; Andriamanitranovola, fils d’Andriantsaradolo d’Andraisisa, était un dictateur mal aimé de ses sujets, causa des famines et des révoltes et fut abandonné par le peuple ; Andriandranomena, son fils était aussi têtu et méchant que son père. Il était le neveu de Rangita. Abandonné par le fokonolona, sa lignée ne régna plus et devint Havan’Andriana. »
Ses collatéraux d’Andraisisa n’ayant plus aucun pouvoir sur leurs sujets, Rangita part alors pour Imerimanjaka avec l’aide des Famailahy, un groupe Mainty du Vakinisisaony. À l’instar de Rasoamananifarany, le premier ventre dynastique connu qui est la fille benjamine d’Andrianerinerina et de Razafitrimomananitany, elle est source d’une nouvelle dynastie régnante de l’an 1500 jusqu’à la fin du XIXe siècle.
« Chaque souverain ultérieur se rattache à son nom pour avoir une légitimité certaine et avoir une grande profondeur chronologique. » Rangitatrimovavimanjaka est ainsi le début d’une « nouvelle lignée détachée des Vazimba tout en se réclamant des origines vazimba ».
Mais au cours du règne d’Andriamasinavalona, le roi décrète un nouveau ventre dynastique, celui de sa sœur Rangorinimerina. Celle-ci donne Andrianambonimena, Andriamohara, Andriambelomasina et ses autres cinq frères et sœurs au nombre de huit (A. Andrianavalona Razafiarison, « Apports des Traditions dans les successions royales merina, Madagascar- XVIe- XIXe siècle », L’Harmattan, Tsipika). Cette « nouvelle lignée » permet à Andriamasinavalona « de placer sa descendance dans un rayon de 150 km jusqu’à Ilempona, par exemple », note Ramisandrazana Rakotoariseheno.
Dans ce contexte particulier, Rangita est donc à la croisée d’époques différentes, des influences culturelles et politiques diverses, et des choix économiques qu’elle doit assumer. « Le monde austronésien solaire fait face au monde islamisé lunaire, impactant considérablement le mode de gouvernance », fait remarquer l’historienne.
Rangitatrimovavimanjaka, en prenant le pouvoir, montre qu’elle est « une femme d’État qui voulait mettre fin aux coups d’État. Les plus connus étaient ceux d'Andrianahitrahitra au XIIIe siècle et celui des derniers Rafandrana, juste avant Rangita ».
Le premier fait fuir Razanahary et Zanamahazombe à Analamanga, ainsi qu’Andriandranoala dans l'Ankaratra, et Andriamihoatra à Iavoloha. « Le second était la déliquescence du pouvoir des frères de Rangita dans la vallée d'Ampandrana et dans la cité d'Andraisisa. » Rangita « préféra suivre » les conseils des Famailahy Tompontany du haut-bassin du Sisaony, en maîtrisant les sources de l'Ikopa pour damer le pion aux derniers souverains Vazimba, Ramasinanjomà et Ramasinamparihy. Ce dernier s'est retranché à Ambohidrabiby en devenant Rabiby ou Andriandrokabe. Et ce n'est pas par hasard s'il a donné à sa cité d'Ambohidrabiby une nouvelle sacralité en décrétant que son village est l'Ihasin'Imerina alors qu'il était "Vazimba".
Il y a donc une concurrence certaine dans l'appropriation du mot merina bien avant Ralambo. Il est porteur d’un nouveau paradigme dans la construction du nouvel État, avec les nouvelles influences arabo-musulmanes et la course des différents groupes pour commercer avec les étrangers sur les côtes (trafic des esclaves et des fusils permettant d'accroître le fanjakana). « La mondialisation était déjà vécue et internalisée à cette époque », relève Ramisandrazana Rakotoariseheno.
Pela Ravalitera