Il aurait eu 87 ans. Dommage, il est parti à quelques encablures de ses 70. Enfin, dommage, parce qu’il n’aura connu qu’une seule de ses Zafikely et aucun de ses descendants mâles, lui, le mâle dans toutes ses horreurs. Avec les guillemets que j’hésite à mettre. Le souvenir n’aurait été certainement pas de même teneur sympathique s’il avait fallu se coltiner, pendant d’interminables années, un vieillard qui, finalement, ne demandait qu’à s’en aller avec dignité.
Bizarre que j’en ai souvenance. Certainement que sa femme, notre mère, n’a jamais oublié. Mais, pourquoi aussi se morfondre dans la mélancolie. Sauf que, nous savons tous appartenir à la grande famille du «Embona sy Hanina» magnifiquement sublimé dans les «Takelaka Notsongaina» de Siméon Rajaona.
Par quelle magie, à moins d’en avoir tenu comptabilité chaque jour qui s’écoule, sans doute avec force soupirs nostalgiques, ma grand-mère avait pu exhumer très précisément un agenda de 1970 pour consigner certaines de ses pensées de 1987. Parce que les dates coïncidaient jour pour jour à dix-sept ans d’intervalle. Ledit agenda ayant appartenu à son défunt mari dont elle était alors veuve depuis quatre ans.
Allons, pas d’effusions inutiles. Un 480 FFPM entonné de vive voix suffit. C’est fou qu’un cantique charrie dans sa mélodie toute la mémoire d’une époque. Ou d’un modeste pan de vie. Je me souviens de soirées devant la cheminée alimentée par des bûches arrachées à des pinus que les parents avaient émondés avant de s’acharner à les arracher de la terre que ces arbres d’importation avaient la réputation d’assoiffer. Patience et longueur de temps, armées du «lapika» et du «famaky», sont parentes proches de force et rage.
Ancien de ce Collège Saint-Michel où notre fratrie de trois allait être inscrite, il n’en aura gardé que le souvenir d’une gifle mémorable infligée par Tiersonnier s.j. alors qu’il arrivait en retard depuis le domicile d’Ambohitsorohitra en espérant couper court à travers la sacro-sainte pelouse. Le cachot était encore à l’ordre du jour, mais cette fois, il n’en fit pas mention, l’éternel nomade qui fut toute sa vie scolaire un pensionné. Comme les élèves «oubliés de Noël», dont allait s’occuper merveilleusement Merlusse.
«Merlusse», personnage romanesque de Marcel Pagnol, «Maître» de la littérature provençale qui décorait abondamment notre bibliothèque. Quoique, dans le voisinage sulfureux de Jacques Prévert. Bref, toute une éducation mâtinée de bandes dessinées qui me firent aimer 39-45 du côté de la Wehrmacht.
Ce «fiaraha-monina», sans doute encore plus buriné après une incursion chez Dama-Ntsoha, anciennement jésuite, nous valut un «Zakaiosy, midìna faingana teny ianao fa tsy mipataloha», qui doit se lover quelque part dans l’Évangile de Luc (19:5). Et plus orthodoxement, le trop facile «Fa hisy solofo hitsimoka eo ampotrotr’i Jesse». Pour la traduction, en référer à Isaïe.
Devant ladite cheminée, dûment équipé du «Fihirana FFPM» qu’il m’avait offert pour mes neuf ans, je découvris des intonations plaquées sur des paroles sauvegardées de notre 19ème siècle, «faha Tany Gasy», que je n’allais plus jamais oublier avant de les retrouver, intuitivement chaque mot, comme cette fois en une après-midi en Temple du Hâ. Bien 45 ans plus tard.
Pourquoi maintenant ? «Ny aina tsy mifametra» savaient dire les Ntaolo. Le Chroniqueur voyage en esprit et déballe ses souvenirs trop personnels à chaque halte improvisée. Sauf que le paternel, on l’avait en partage. Puisse mes frangins comprendre. Et Maman compatir.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja