Débordements de décembre

Le mois de décembre est dans ses premiers jours, mais pour l’année, c’est l’entame de la dernière ligne droite de sa course folle. Ces ultimes semaines seront, comme à l’accoutumée, plus mouvementées que jamais avec l’esprit des fêtes qui vit une de ses périodes régulières de consécration qui le porte en apothéose et s’accapare nos sens en occupant l’ouïe avec sa musique omniprésente ou en saturant la vue avec ce qu’il peut provoquer quand on met le nez dehors, ...

Tout un rituel accompagne chaque fin d’année, et qu’on le veuille ou non, sortir nous contraint à le vivre : la fête s’incruste dans nos oreilles envahies par les relents auditifs de l’atmosphère festive. Et l’expérience peut nous apprendre le caractère terrible de cet air qui peut avoir raison des nerfs les plus sensibles qui sont aussi attaqués, en plus de l’excès sonore, par les embouteillages qui voient leur intensité décupler.

Le philosophe français Jean Baudrillard, dans ses écrits qui passent au crible la société de consommation, Le Système des objets (1968) et La Société de consommation (1970),  a mis en lumière la dimension symbolique des marchandises. Ce qu’on achète n’est pas consommé pour son utilité mais parce qu’il a une portée socio-culturelle qui soumet notre volonté à ses lois. Ainsi, les journées de décembre, période de gloire du mercantilisme qui transforme les artères névralgiques en marchés, nous imposent son rythme commercial.

Et alors que Noël a une histoire qui véhicule des valeurs millénaires qui sont censées faire son essence, cette dernière est dissoute par le dissolvant commercial de la fête. Et c’est comme si on voyait se concrétiser dans le monde réel ce qu’Aldous Huxley a décrit dans son emblématique dystopie Le meilleur des mondes (1932), un roman qui présente un monopole de la consommation qui, en usant de son pouvoir à satisfaire les besoins hédonistes en fournissant des plaisirs matériels, a chassé des esprits l’envergure traditionnelle de Noël.

Au-dessus de tout cet océan occupé par le vacarme et les agitations, l’aura de cette constellation de Noël, formée par les étoiles de la bonté, de l’amitié, de l’amour ou de la famille, qu’on trouve dans des films intemporels comme La vie est belle (F. Capra, 1946), Noël Blanc (M. Curtiz, 1954), Love Actually (R. Curtis, 2003) ou Joyeux Noël  (C. Carion, 2005), peut toujours briller. À nous de la laisser luire en ne la laissant pas être écrasée par un abus de bruit et de fureur.

Fenitra Ratefiarivony

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