Identités géographiques et identités sociologiques

Moramanga durant la présence de l’armée française. 

Les marches proches (du centre de l’Imerina) étaient confiées à des alliés : Antairoka, Maintienindreny, anciens « Hovas » mérinisés », précise l’historienne Ramisandrazana   Rakotoariseheno, membre titulaire de l’Académie Malgache (Section II), dans son étude sur les « Notions de Tanindrazana en Imerina à travers l’histoire » (lire Notes du passé du mardi 26 novembre et précédentes). Elle rappelle aussi que les Tsiarondahy sont rattachés à la maison royale. Connaissant les « fady » (interdits) et les grands rituels, ils ont « la réputation de grande bravoure, de fidélité car ils étaient dans le secret des pensées des rois ». Ces groupes ne sont fixés dans aucun « toko » car ils sont «  la protection humaine du souverain ».

Concernant les marges de l’Imerina, elles sont dans la plupart des cas, selon l’académicienne, d’une part, des zones d’exil de princes qui ne peuvent pas rester en Imerina ; d’autre part, des territoires des groupes de rebelles comme cela a été le cas de la frontière Centre-ouest vers le Bongolava, devenue terre des Bemihimpa. La frontière orientale, zone Nord, dont la capitale est Ambatomanga, est restée aux mains des Bezanozano, les « vrais Tankay » des traditions, jusqu’au XIXe siècle. Ce sont de grands commerçants à une époque lointaine. 

Ces habitants de l’Ankay deviennent ensuite des porteurs célèbres reliant l’Imerina à la côte Est. « Ambatomanga se souleva quatre ou cinq fois contre le pouvoir d’Antananarivo, car la cité était riche en étant aux frontières des deux régions, et ses habitants avaient accès aux routes commerciales menant à l’Est (via le fleuve Mangoro), comme à l’Ouest en reprenant la route du Sud par l’Ikopa. »

À une autre époque, vers les XIIe-XIIIe siècles, trois groupes dits « betsimisaraka » (les Zanakony au Nord, les Zafimanirivary au Centre, les Matitanana au Sud) se réunissent en une principauté sous l’autorité d’une souveraine connue sous le nom de Rafotsibealokinitany. 

« Alliée et même l’épouse d’Andriamamilazabe, ses terres s’étendirent de Matitanana au sud de Mahanoro jusque vers Mandialaza, comprenant ainsi tout le Bas et Moyen Mangoro. Lohassa (secteur de Beparasy) était la petite capitale » (Capitaine Maillard, Piolet, « Le pays Bezanozano du cercle de Moramanga », 31/12/1898, in N.R.E : 1590-1591). 

Seule la partie Sud, à partir d’Andramasina, est alors englobée dans le territoire merina. La situation de cette zone est également stratégique, car elle se trouve sur le gradin forestier et assure les liaisons avec tout le Sud-est et le Vakinankaratra.

La construction de l’État merina en cercles concentriques, le ventre (Ankibon’Imerina), les marches ou « ilatany », et les marges cernées par les différents toponymes Ampamoizankova, s’est faite avec une nouvelle redistribution de Tanindrazana des uns et des autres, « en fonction de leur fidélité au souverain, de leurs talents particuliers (les éleveurs), ou de leur capacité à agrandir le royaume (Andrianentoarivo) ». Les marches sont Vohilena au Sud-est de la Betsiboka, Sarahafatra à la jonction de la Mananta, de la Mananara, et de la Betsiboka, Andreba au Nord de la Mananta, Maromby en bordure des Sihanaka, et Betatao en bordure de la grande forêt. Cette nouvelle territorialisation reflète l’idéologie politique du souverain en étant maître des hommes et de la terre. Le royaume d’Andriamasinavalona consacre véritablement le rôle des Mainty aux frontières, met en relief l’académicienne. 

Les différents groupes merina ont encore gardé leurs identités respectives (les Fokonolona d’antan). Dans l’Imerinatsimo, un certain nombre de groupe garde leurs noms spécifiques en raison de leur ancienneté. La lignée des Rafandrana (XIVe-XVe siècles) règne sur ces groupes. 

L’énumération de ces anciennes populations peut être versée dans la connaissance première des anciens Tompontany, tandis que leurs cités communes constituent déjà une toile de réseau de lignages et familles. Elle est enfin « une lecture des dynamiques de l’appropriation des espaces de vie et de la sécurisation des relations sociales ». Aucun groupe cité ne vit seul sur un territoire. Une « gouvernance locale » est donc attestée. Les villages sont tous dans une proximité immédiate, correspondant presque à la taille des communes d’aujourd’hui (R. Rakotoariseheno, « Contribution à l’histoire ancienne de l’Imerinatsimo avant la dynastie de Rangita (XVIe siècle) », communication au symposium « Histoire et civilisation, l’Odyssée d’un Peuple de la mer », sous presse).

Pela Ravalitera

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne