Et ça continue. On croyait que toutes les mesures avaient été prises pour juguler le trafic des espèces protégées après l’interception de mille tortues radiées et de quarante-huit lémuriens lemur cata en Thaïlande au mois de mai. Eh bien non. Une centaine de tortues vient de nouveau d’être découverte, toujours en Thaïlande. Autrement dit, nos frontières aériennes et maritimes restent des passoires en dépit des arrestations de responsables aéroportuaires ou de réserves naturelles. Pire, on avait même annoncé que des négociations avec les autorités thaïlandaises étaient entamées pour le rapatriement de ces espèces protégées et que le retour au bercail était déjà acquis. Juste avant le remaniement du gouvernement, on avait annoncé qu’elles étaient déjà sur un bateau et attendues au plus tard vers la fin du mois de juillet. C’était juste de la poudre aux yeux. On n’en a plus entendu parler après la mise en place du nouveau gouvernement. De qui se moque-t-on ?
La situation empire puisque les vieilles tortues du parc zoologique de Tsimbazaza, au nombre d’une dizaine, ont également disparu comme par enchantement il y a quelques semaines. Et pas plus tard qu’il y a deux jours, une centaine de tortues ont arrêté leur périple en Thaïlande. Il est bien évident qu’à l’image de leurs devancières dans cette fabuleuse aventure, tout comme les lingots d’or et les bois de rose, elles ne seront jamais rapatriées.
Rien que pour les mille tortues et les quarante-huit lemur cata, on aurait perdu trois millions de dollars, soit 14 milliards ariary, selon l’évaluation de la douane. De quoi financer deux mois de coût de carburant à la Jirama pour atténuer le délestage.
La région du Sud est reconnue comme le principal vivier des tortues radiées, en particulier Atsimo Andrefana et Androy, notamment à Ambovombe, Ifotake, Tsihombe, Androka et Gogogogo dans le district d’Ampanihy… Plusieurs réserves naturelles abritent des lémuriens lemur cata, dont la forêt des Mikea, la réserve de Berenty…
Il faut arrêter le massacre. Faut-il que le président de la République se mette à la place des responsables directs pour mettre un terme à cette hémorragie, comme il l’a fait dans d’autres secteurs où chacun fait ce qui lui plaît ? Ou faudra-t-il changer une nouvelle fois le code pénal pour sanctionner de manière radicale et exemplaire les auteurs de trafic pris sur le fait ? Pourquoi pas. S’il faut passer par les manières fortes pour mettre un terme à ce fléau, il n’y a aucune raison d’hésiter. Il en va du trafic de drogue, comme il en va du trafic des espèces protégées, qui contribuent à la destruction du pays.
À l’allure où vont les trafics, le slogan des promoteurs touristiques « nous avons une nature cinq étoiles» n’aura plus aucun sens bientôt. Pire, on viendra à Madagascar plutôt pour voir les trafiquants de lémuriens qui prendront la place des espèces protégées disparues.
Sylvain Ranjalahy