Les usagers des tribunaux devront patienter le temps de cette «Journée d’indignation» observée par les magistrats, ce jour. |
Le SMM conteste la légalité d’une décision de suspension de quatre magistrats du Parquet d’Antananarivo. Une décision prise en raison de non-respect de la politique pénale en matière de viol et d’homicide, selon le ministère de la Justice.
À couteau tiré. Le torchon brûle entre Benjamin Alexis Rakotomandimby, ministre de la Justice, et le Syndicat des magistrats de Madagascar (SMM). En cause, une décision de suspension de fonction, assortie de suspension de solde, contre quatre substituts du procureur près le Tribunal de première instance (TPI) d’Antananarivo. Elle a été prise par le garde des Sceaux, le 28 octobre.
À l’issue d’une assemblée générale extraordinaire, hier, le SMM affirme que la décision du garde des Sceaux est “illégale et surtout illégitime”. Selon le Syndicat, la décision aurait été prise sans l’avis préalable “obligatoire” du chef de Cour concerné, comme prévu à l’article 60 du statut des magistrats. Le SMM affirme qu’en réaction, il tiendra “une journée d’indignation” ce jour devant la Cour suprême, à Anosy, et ajoute, “les magistrats cesseront tout activité”.
Dans sa déclaration publiée, hier, le Syndicat demande au ministre de la Justice de “retirer” les décisions de suspensions, mais aussi, “de s’abstenir d’en prendre de nouvelles durant son mandat”. Ce dernier point est assimilé à du “corporatisme”, par les observateurs. Certains font le raccourci, selon lequel, le SMM tend à enjoindre le garde des Sceaux de ne plus prononcer de sanction contre les magistrats.
Selon l’article 60 du statut de la magistrature, “le ministre de la Justice saisi d’une plainte ou informé des faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat peut, s’il y a urgence et après avis des chefs de Cour dont relève l’intéressé, suspendre de ses fonctions le magistrat faisant l’objet d’une enquête ou lui interdire l’exercice de certaines fonctions jusqu’à décision définitive sur l’action disciplinaire”.
Politique pénale
Contacté, Mbitanarivo Andriantsihorisoa, président du SMM, concède qu’une décision de suspension est une prérogative du ministre. Il ajoute, cependant, que “le rôle du syndicat est aussi de défendre les droits et intérêts de ses membres”. À l’entendre, “sans remettre en cause les prérogatives du ministre”, pour le SMM, assortir la suspension de fonction de suspension de solde serait “disproportionnée puisqu’il ne s’agit pas encore de décision définitive”.
En face, le ministère de la Justice, par la voix du directeur de cabinet du garde des Sceaux, reste intransigeant. “Le non-respect de la politique pénale en matière de viol, de violence basée sur le genre, d’homicide et de kidnapping”, est le motif de la décision de suspension des quatre juges, selon une déclaration lue par le directeur de cabinet du garde des Sceaux, hier, sans aborder le vice de procédure soulevé par le SMM.
La sévérité et l’application des sanctions les plus dures dont le placement en détention provisoire quasi-systématique est la politique pénale pour les délits précités. La déclaration ajoute que “les magistrats du Parquet [soumis à la subordination hiérarchique] sont tenus d’appliquer la politique pénale”. D’après le département ministériel toujours, les affaires traitées par les quatre magistrats et ayant fait l’objet de doléances concernent des cas de viol, “dont un viol sur mineur de 8 ans”, et un cas “d’attaque à main armée avec meurtre”. Le ministère de la Justice ajoute que ni les juges mis en cause, ni le SMM “n’ont approché le ministère avant l’assemblée générale de ce jour [hier]”. Un appel “au dialogue” aurait été émis par le ministre, en fin de semaine dernière, mais en vain.
Pour leur part, le Syndicat soutient que “le ministre ne doit pas confondre le pouvoir de qualification des infractions et le pouvoir d’appréciation des faits par les magistrats du Parquet à de la corruption”. Selon des sources, ce dossier révélerait au public une tension entre le SMM et le ministre Rakotomandimby. La mise en œuvre de son intransigeance contre toute déviance à l’éthique et aux normes régissant la Justice et la magistrature motiverait des grognes. Un rapprochement se serait toutefois fait entre les deux parties, hier soir.
Garry Fabrice Ranaivoson
Des Magistrats qui ont eux-mêmes ont acheté leur fonction peuvent-ils lutter contre la corruption?...
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