Enterré à domicile

La maison est l’endroit le plus dangereux pour les femmes en 2023. Selon les chiffres publiés hier par l’Organisation des Nations unies, à l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, quatre-vingt-cinq mille femmes ont perdu la vie, victimes d’agressions sexuelles perpétrées par leurs conjoints ou leurs proches.

Les chiffres font froid dans le dos. Cent quarante femmes meurent chaque jour dans le monde, soit une toutes les dix minutes. Les féminicides, nouvelle appellation des crimes passionnels du siècle dernier, ont clairement pris une ampleur inquiétante. Dans le « hit-parade » de l’ONU, les Caraïbes occupent la tête du classement, devant l’Amérique centrale, l’Afrique et l’Asie.

Les féminicides incluent les violences physiques, sexuelles ou psychologiques. Pour le moment, il n’y a pas de classement spécifique et détaillé pour le continent africain, mais on peut gager que, pour une fois, Madagascar occupe une bonne place, même si la situation n’a rien à voir avec ce qui se passe au Tigré en Éthiopie où le viol, les violences sexuelles, les mutilations et l’esclavage sexuel relèvent de la tradition. À preuve, le nombre de plaintes et de dénonciations reçues au centre de prise en charge intégrée des victimes de violences contre les femmes à Mahamasina. En quatre ans, treize mille huit cent cinquante-quatre cas de violences ont été enregistrés par le centre, soit trois mille quatre cent soixante-quatre cas par an. C’est juste énorme. Et les chiffres sont loin d’être exhaustifs, étant donné que des milliers de cas ne sont pas logiquement signalés, par peur de représailles ou faute de centre d’écoute dans les régions isolées.

Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de parcourir la presse quotidienne où les féminicides barrent La Une régulièrement. On en voit de toutes les couleurs. Une femme étranglée par son mari, une épouse découpée en morceaux par son conjoint, une jeune femme abattue par son amant … La presse en raffole. Il faut aussi oser dire que les violences contre les femmes relèvent quelque part de la culture et de place accordée à la femme dans les traditions. Certes, on a fait beaucoup de chemin dans la lutte pour l’égalité homme-femme mais des esprits conservateurs restent indétrônables et considèrent la femme comme un « fanaka malemy », le mariage comme un supplice, «  tokantrano fihafiana »…

Sans oublier que la pauvreté et le manque d’éducation constituent un excellent terreau pour les féminicides. Agresser, tuer, violer font partie de la vie quotidienne dans les quartiers malfamés. On ignore même qu’il s’agit de crimes. Ici, se dire que personne n’est censé ignorer la loi, c’est totalement méconnaître la stratification sociale. Ceci dit, les violences contre les femmes ne relèvent pas exclusivement de la catégorie sociale. Au contraire, les histoires les plus exécrables de féminicides ont lieu dans les cadres cossus. On fait un pari?

Sylvain Ranjalahy

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