Session de formation sur l’élaboration du Plan Directeur pour le Secteur de l’Élevage à Madagascar. |
Deuxième activité de la majeure partie du monde rural malgache après l’agriculture, l’élevage occupe une place économique importante à Madagascar et joue un rôle de premier ordre dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté.
Près de 70 % de la population et plus de 85 % des ménages en milieu rural ou vivant dans les zones périurbaines s’intéressent à la pratique de l’élevage, et l’on estime qu’il contribue à hauteur de 60 % de la formation des revenus des ménages ruraux. Avec la pêche, l’élevage contribue à hauteur de 12 % du PIB, et son taux de croissance tourne autour de 2 %. L’élevage contribue directement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle par la consommation de produits animaux (viande, lait, œufs), même si les valeurs observées sont faibles par rapport aux moyennes mondiales et régionales.
À Madagascar, la consommation annuelle d’œufs est de 12 par habitant. Pour la viande, le poisson et la volaille, la consommation moyenne est de 9,3 kg par habitant et par an, et pour le lait et les produits laitiers, elle est de 17 kg par habitant et par an. L’élevage est également un soutien de poids pour l’économie agricole grâce à ses contributions dans la traction animale, le transport et la fertilisation des champs. Il permet notamment d’augmenter et d’améliorer la productivité et la rentabilité des cultures par l’utilisation accrue du travail et du fumier fournis par les animaux.
Mais pour que la filière s’arrime aux ambitions de développement économique du pays, il est indispensable de moderniser les systèmes d’élevage. Dans cette optique, le Fonds de l’Élevage (FEL) joue un rôle central. Cet établissement public à caractère administratif, gouverné par un conseil d’administration constitué de représentants des acteurs du sous-secteur, a pour mission d’appuyer financièrement la mise en œuvre de la politique de développement de l’élevage à travers tous les acteurs, tant publics que privés, et les collectivités décentralisées. Il assure aussi le suivi et l’évaluation des activités de mise en œuvre des projets répondant aux objectifs du ministère de tutelle.
Ainsi, l’heure est à la promotion des approches, des techniques et des équipements modernes pour que la filière puisse s’affranchir des méthodes dites traditionnelles, qui offrent peu de rendement. Dans ce cadre, le premier défi est de motiver davantage les acteurs du secteur privé à parier sur l’élevage moderne. Force est de constater cependant que de plus en plus d’entreprises ont choisi d’investir dans cette filière ces dernières années. Certaines viennent de l’étranger, comme le groupe mauricien Eclosia, mais les sociétés locales sont tout aussi entreprenantes, à l’instar de Bovina du groupe Inviso ou d’ArBiochem, qui se spécialise dans les produits destinés à la santé et à l’alimentation animale. D’après Tiana Rakotoarisoa, technicienne et accompagnatrice de coopératives agricoles, l’intérêt grandissant du secteur privé pour l’écosystème de l’élevage constitue un moyen d’étendre et de moderniser la filière, tout en permettant aux acteurs ruraux d’accroître leurs compétences et leurs revenus.
Des techniciens plus performants
La modernisation des systèmes d’élevage passe aussi par le renforcement quantitatif et qualitatif de l’effectif d’accompagnement technique de la filière. Dans ce cadre, le Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage (MINAE) soutient que l’élaboration du Plan Directeur pour le Secteur de l’Élevage à Madagascar (PDSEM) avec l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), financée par la Banque mondiale à travers le projet FSRP (Programme de Résilience du Système Alimentaire), progresse bien. Le comité technique, composé de vingt-deux membres issus des différentes directions techniques du ministère et de représentants des directeurs régionaux, est déjà opérationnel. « Ce comité technique joue un rôle crucial dans le processus d’élaboration du plan stratégique, et la formation de ses membres est indispensable à la démarche », a-t-on aussi indiqué.
À savoir qu’une session de formation des techniciens s’est tenue durant la semaine du 7 octobre 2024 à Antananarivo. Il s’agit de la troisième session de formation de ce genre. Elle a été axée sur l’évaluation des performances techniques et socio-économiques, ainsi que sur l’évaluation de la performance environnementale des systèmes d’élevage. L’objectif général de ces sessions est de renforcer la capacité technique et l’implication des membres du comité technique dans le processus d’élaboration du PDSEM, qui, a-t-on expliqué, accorde un intérêt prioritaire à la modernisation des systèmes d’élevage.
Le partage des connaissances et des expériences d’ILRI en matière d’évaluation des performances techniques, socio-économiques et environnementales des systèmes d’élevage, ainsi que la collecte de données et d’informations, ont été abordés lors de la session de formation. « Ce processus est jugé essentiel pour renforcer les capacités et les connaissances nécessaires à l’élaboration réussie du PDSEM et démontre l’engagement continu dans l’amélioration du secteur de l’élevage à Madagascar », a-t-on également souligné.
La modernisation de l’élevage passe par le renforcement des compétences. |
Les vétérinaires au cœur du dispositif
À signaler par ailleurs que la mise en œuvre du Programme de Formation Continue en Épidémiologie Vétérinaire Appliquée à Madagascar (ISAVET) est en cours dans le pays. Le 21 mai 2024, sous la direction de la FAO à Madagascar, aux Comores, à Maurice et aux Seychelles, et en collaboration avec la direction générale de l’Agriculture et de l’Élevage, ce projet vise à renforcer les compétences des services vétérinaires dans la lutte contre les maladies animales. Une initiative qui permettra à la filière élevage de se moderniser dans un environnement sécurisé sur le plan sanitaire.
Un plan d’action sera mis en place pour atteindre cet objectif, avec une gestion générale dans tout le pays pour le secteur de l’élevage et pour former les vétérinaires et leurs assistants au contrôle des animaux. Le MINAE et la FAO coordonnent ainsi leurs efforts et s’alignent pour soutenir le suivi des vétérinaires au sein du ministère, ainsi que des vétérinaires sanitaires qui recevront une formation dans le cadre de ce programme.
Notons que la Direction des Services Vétérinaires (DSV), chargée de la conception, de la planification, de la coordination et du contrôle des activités en matière vétérinaire, est l’autorité compétente sur tout le territoire et assure l’application des normes zoo-sanitaires édictées par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA). Elle exerce ces fonctions au niveau régional à travers les Vétérinaires Officiels (VO) et les Vétérinaires Mandataires. À ce titre, les VO au niveau des régions et les vétérinaires mandataires sont rattachés, sur le plan fonctionnel, directement à la Direction des Services Vétérinaires selon le principe de commandement unique édicté par la réglementation internationale sur la santé animale. Mais ils sont rattachés hiérarchiquement au Service Régional de l’Élevage, qui est chargé de la santé et de la production animale au niveau de la région.
Selon les spécialistes en économie de l’élevage, devant la grande diversité des systèmes d’élevage et les défis croissants que ces derniers doivent relever, les parties prenantes dans le développement de la filière sont appelées à élaborer des méthodes innovantes pour accompagner les éleveurs et sécuriser leurs activités. D’abord marginaux, ces initiatives devraient gagner en légitimité face aux enjeux sociaux, économiques et écologiques liés à l’avenir de l’élevage. Il y a également la nécessité de la digitalisation de la filière. Certains ont déjà franchi le pas, à l’image de Luxa Apiculture, qui a développé une plateforme électronique dédiée tout en menant des recherches scientifiques pour produire des reines sélectionnées de race Apis Mellifera Unicolor.
Événements
L’élevage se met aussi en scène
Les nouvelles technologies s’imposent progressivement dans la filière élevage. |
La 16e édition de la Foire de l’Élevage et de la Production Animale (FEPA) s’est tenue au mois d’avril dernier dans la capitale. Occasion de présenter les produits d’élevage, mais aussi d’échanger sur l’avenir de la filière. Plus récemment, la Foire Internationale de l’Agriculture (FIA) a aussi permis aux acteurs de la filière de se mettre au-devant de la scène.
Ainsi, outre les expositions des produits d’origine animale et bien d’autres produits agricoles, sans oublier les produits artisanaux fabriqués à base de peau de zébu, différentes thématiques ont été abordées dans le cadre des conférences organisées durant la FEPA 2024. Le Malagasy Professionnels de l’Élevage (MPE), qui est l’organisateur de la foire en collaboration avec le Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, a mis à profit cette occasion pour partager ses longues années d’expérience dans le domaine de l’élevage, au bénéfice des entrepreneurs désirant se lancer dans ce secteur. Cette plateforme regroupant tous les acteurs des maillons de cette chaîne de valeur a aussi insisté sur la nécessité d’innover.
Du choix des sites d’exploitation à la technique de conduite d’élevage pour mieux rentabiliser les investissements, en passant par le guide de l’éleveur moderne et les appuis apportés par le MPE et les partenaires techniques et financiers, différents thèmes ont été traités par une palette d’intervenants. Un rappel a aussi été fait que cette plateforme ne cesse de former des futurs entrepreneurs. Ces derniers choisissent notamment les filières porteuses comme l’élevage piscicole, particulièrement la pisciculture hors sol, qui est désormais praticable même en ville, l’aviculture moderne, l’élevage porcin et l’apiculture.
Selon les explications données, ces différents types d’élevage à cycle court tendent à jouer un rôle moteur dans le développement de la filière. La FEPA a aussi été la vitrine animée des différentes sortes d’animaux vivants. Par ailleurs, des rencontres B to B ont eu lieu ainsi que des partages de bonnes pratiques. À noter que cette manifestation est organisée avec l’appui du Fonds de l’Élevage et de différents partenaires. Son premier objectif consiste à moderniser et professionnaliser la filière, tout en attirant les investissements en vue d’accroître la production. Car il s’agit aussi de viser le marché international.
Quant à la Foire Internationale de l’Agriculture, organisée le mois dernier, un espace animalier a été aménagé spécialement. Une initiative qui a rencontré un franc succès public. L’événement a aussi programmé une conférence intitulée « Focus sur l’élevage ». Ce rendez-vous a réuni de nombreux acteurs de la filière qui ont partagé leurs avis concernant le développement et la modernisation des systèmes d’élevage à Madagascar. On sait ainsi que cette modernisation impose l’utilisation des nouvelles technologies, mais voit aussi la consolidation des nouvelles tendances, comme l’élevage bio, prohibant notamment le recours aux produits chimiques de synthèse.
VERBATIM
François Sergio Hajarison, ministre de l’Agriculture et de l’Élevage
« L’autosuffisance alimentaire reste le plus grand défi pour le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage. Pour atteindre cette vision du président de la République, nous priorisons la transformation et la modernisation des filières. Nous allons ainsi poursuivre les efforts de mécanisation des activités des acteurs du secteur tout en encourageant les initiatives privées qui visent une production moderne et à grande échelle. Nos actions sont considérées comme stratégiques étant donné que la plupart des Malgaches vivent des secteurs de l’agriculture et de l’élevage. »
Mbuli Charles Boliko, représentant de la FAO à Madagascar
« Nous soutenons le secteur de l’agriculture et de l’élevage à Madagascar à travers le Plan cadre de coopération des Nations Unies pour le Développement Durable, qui doit se poursuivre jusqu’en 2028. Les projets visent la modernisation du secteur, comme le déploiement de la boîte à outils Rural Invest ou la dotation de systèmes de micro-irrigation alimentés par l’énergie solaire pour les sites d’élevage. Nous avons pour objectif de moderniser la filière élevage tout en veillant à la durabilité des ressources. »
LA FILIÈRE ÉLEVAGE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar