L’Académie Malgache à Tsimbazaza. |
L’Académie Malgache prend les taureaux par les cornes en s’attaquant aux questions les plus brûlantes auxquelles fait actuellement face la Nation, en l’occurrence les violences et l’insécurité. « Les appels du tocsin et les campagnes de mobilisation conjuguées avec les interventions des forces de sécurité ont affiché leurs limites opératoires pour éradiquer le mal », remarque l’Assemblée des membres titulaires de l’institution. Les malfaiteurs continuent voire consolident leurs actes, défiant, à l’évidence, «les Forces de l’ordre, pourtant détentrices du monopole de la violence légitime ».
Face à ce mur de résistance, « en sa qualité de chaire libre dédiée aux échanges d’idées et de pratiques à visée trans-formationnelle, et forte de ses expériences plus que centenaires en la matière, l’Assemblée des membres titulaires de l’Académie Malgache, a pris la décision d’organiser, les 3 et 4 septembre, les Journées d’échanges sur le thème Violences et Sécurité ». Elle a invité tous les citoyens de bonne volonté pour croiser leurs regards avec les respon-sables les plus avisés de ces questions, notamment ceux issus de l'Armée, de la Gendar-merie et de la Police nationales.
Le premier constat qui a été fait est que l’indifférence générale traduit, d’abord l’aveu du sentiment d’impuissance des autorités et de la société face aux différentes formes d’atteintes à l’ordre public et à la sécurité humaine. Ensuite, l’effacement tant de l’autorité civile que judiciaire contre-balancée par la banalisation de l’utilisation de la force.
Durant ces journées, les échanges ont été “libres, directs et courtois dans la forme”, et se sont déroulés dans le parfait respect des exigences épistémologiques et éthiques de l’Académie : justice, vérité et fihavanana. Les participants sont parvenus à une double conclusion : « l’État, et lui seul, a le monopole de la violence légitime, mais l’usage de cette violence, pour être légitime, doit se conformer à un certain nombre de règles très précises ».
Relevant que Madagascar n’a pas vécu de guerres civiles ou tribales, les participants ont la conviction que les voies pour le règlement des questions de violences et d’insécurité ne sont pas épuisées. “Loin de là”, même si les institutions et les mécanismes traditionnels (constitution, gouvernance, mobilisations populaires, force de l’ordre, etc.) ont atteint les limites opératoires. Aussi “l’urgence du traitement du mal” a-t-elle été soulignée . « La clochardisation des forces de sécurité, la structure et même les modalités d’exécution de leurs budgets ne permettent plus de garantir le retour aux normes requises en matière de sécurité, en raison de la massification des charges de soldes au détriment des charges fonctionnelles pour les missions élémentaires. »
Parmi les questions concrètes qui ont retenu l’attention des participants, figurent, entre autres, « l’effectivité des responsabilités du ministre de l’Intérieur en matière d’ordre public et de sécurité en général, du ministre de la Défense pour la sécurité extérieure, la caducité du décret n°84-056 destiné à des situations strictement exceptionnelles, la spécificité existentielle et fonctionnelle de chaque corps en charge de la sécurité et de la défense, le respect de la distinction entre la dimension symbolique et la dimension institutionnelle pour mettre fin aux confusions, à l’origine de la fuite généralisée de la responsabilité et du désintéressement à la chose publique ».
Les deux journées d’échange ont abouti à un appel à la prise de conscience qui s’adresse en premier lieu aux autorités gouvernementales. Les participants ont, effectivement, reconnu que l’âme malgache est malade puisque la Nation a perdu ses « repères éthiques d’antan ». « Aussi est-il plus que jamais temps de retrouver l’esprit citoyen refoulé dans notre for intérieur et de nous engager résolument sur la voie du processus de guérison nationale. Les remèdes au mal qui nous ronge sont bel et bien à notre portée. »
Les maux qui nous gangrènent, soulignent-ils, ont pour origine des actes potestatifs, c’est-à-dire dépendant de la volonté de chaque membre de la société. « Ainsi l’indifférence est un choix délibéré dicté par l’adhésion à une conception individualiste de la rédemption, tandis que les mauvaises options sont les conséquences de mauvais choix ou de calculs liés à l’impéritie ou au manque d’intelligence. »
Et dans l’appel à tous les citoyens, les participants mettent en évidence que « tous et chacun, nous sommes malades et tous et chacun nous sommes notre propre guérisseur. À la seule condition de refuser catégoriquement la solution si facile de la résignation, mais de faire preuve d’audace de penser pour créer, de parler pour partager, et d’agir pour nous libérer et, à terme, pour gagner cette belle et noble bataille citoyenne ».
Pela Ravalitera